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fut atteinte d’une singulière lésion de la mémoire ; en parlant, elle ne faisait usage que de l’infinitif des verbes et n’employait jamais aucun pronom. Par exemple, au lieu de dire : Je vous souhaite le bonjour, arrêtez-vous, mon mari va venir de suite, elle disait : Souhaiter le bonjour, arrêter, mon mari va venir. Pendant longtemps, cette malade ne pouvait pas compter au delà de trois, mais, dans d’autres moments, elle était capable de compter jusqu’à quarante. Elle arriva aussi à acquérir la connaissance des pronoms, mais sans parvenir à en faire une juste application[1].

Observation XX. — « Je donnais des soins, dit Thomas Hun, à une dame qui mourut d’un cancer du cerveau, occupant, à l’époque de sa mort, la plus grande portion du lobe antérieur gauche. Dans les premières périodes de sa maladie, elle ne pouvait souvent dire les noms des objets les plus familiers, et elle se trouvait réduite à s’exprimer par signes ou à montrer les objets du doigt. Lorsque le mot dont elle avait besoin était prononcé devant elle, elle le reconnaissait et pouvait le répéter. Avec les progrès du mal, cette difficulté de la parole augmenta, et elle finit par tomber dans une sorte d’imbécillité. »

II.Deuxième série de faits.

Cas dans lesquels les malades prononcent encore spontanément certains mots, ou certaines phrases, mais ne peuvent plus répéter les mots proférés devant eux, tout en conservant la faculté décrire ou bien la possibilité de lire.

Nous réunissons à dessein dans une même catégorie les faits suivants, qui diffèrent bien sous certains rapports, mais qui présentent tous ce point commun d’un désaccord bien singulier entre l’articulation des mots par la parole et leur expression par l’écriture, deux modes de manifestation de la pensée humaine qui paraissent inséparable dans l’état normal, et qui se trouvent cependant dissociés d’une manière bien remarquable par la maladie.

Nous nous bornerons actuellement à rapporter ces faits sans com-

  1. Forbes Winslow, Obscure Diseases, etc., p. 392.