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par les ordres qu’il donnait qu’il était en complète possession de ses facultés intellectuelles ; il pouvait répéter les mots prononcés devant lui, au moment même, et il présenta dans sa lente convalescence cette particularité que lorsqu’il voulait prononcer un mot ou l’écrire, il ne parvenait à en dire que la moitié, quelques syllabes ou quelques lettres ; par exemple : mart. pour marteau, et il n’arrivait à trouver la fin du mot qu’après plusieurs heures, et même plusieurs jours.

Dans le même travail, on cite d’autres faits où cette incapacité de parler était portée plus loin. Dans l’un d’entre eux, en questionnant le malade, on ne pouvait obtenir de lui aucune réponse et cependant il pouvait répéter un mot qu’il venait d’entendre et lire un morceau dans un livre après qu’une autre personne venait de le lire.

Observation IV. — Une autre malade, après un accès apoplectique, avait oublié toutes les lettres de l’alphabet, ainsi que le français qu’elle connaissait très bien ; et pourtant elle conservait une bonne mémoire des choses. Pour la mettre à l’épreuve sous ce rapport, on la laissa un jour seule à la maison avec la cuisinière, et elle fut en état de lui donner par signes toutes les indications nécessaires pour préparer le repas.

Observation V. — Belhomme[1] raconte qu’un soldat, après une attaque apoplectique, perdit si complètement l’usage des mots, qu’il ne pouvait répondre que oui et non à toutes les questions. Quoiqu’il connût les langues, il ne pouvait ni désigner les lettres ni les épeler ; mais il les répétait facilement lorsqu’elles étaient prononcées devant lui. Il ne recouvra que peu à peu, et seulement dix-huit mois après, le libre usage des langues qui lui avaient été familières autrefois.

Quelquefois, les malades ne conservent que le souvenir de quelques mots ou de quelques locutions qui leur servent à répondre à toutes les questions.

Observation VI. — Le Dr Durand-Fardel[2], parle d’une hémiplégique de la Salpêtrière, qui, sans affaiblissement de l’intelligence,

  1. Belhomme, Cinquième Mémoire sur la localisation des fonctions cérébrales, p. 68 ; Paris, 1848.
  2. Durand-Fardel, Traité du ramollissement du cerveau ; 1843.