Page:Falret - Études cliniques sur les maladies mentales et nerveuses, 1890.djvu/423

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas, avec la plupart des auteurs qui se sont occupés de cette question, que l’intelligence soit, dans tous les cas de ce genre, aussi complètement conservée qu’ils l’ont cru généralement. Nous pensons au contraire qu’il existe souvent chez ces malades un certain degré d’affaiblissement intellectuel concomitant ; mais, malgré cette réserve importante, nous excluons néanmoins de notre travail tous les faits dans lesquels la perversion de la faculté du langage et de la mémoire des mots doit être attribuée à une lésion générale des facultés intellectuelles, au lieu d’être considérée comme un trouble isolé, ou du moins très prédominant de ces deux facultés.

Ces préliminaires posés, nous abordons l’historique de la question.

Le travail spécial le plus ancien que nous connaissions sur ce sujet est celui de Gesner sur l’amnésie de la parole[1]. Vient ensuite un chapitre de Crichton[2], sous le titre de trouble singulier de la mémoire.

Depuis cette époque, on a publié, surtout en France et en Angleterre, de nombreuses observations isolées, relatives à ces troubles si singuliers et si limités de la parole et de la mémoire des mots ; mais aucun travail d’ensemble n’a paru, à notre connaissance, sur ce sujet intéressant. Nous devons seulement mentionner, comme surtout dignes d’attention, différents mémoires du professeur Bouillaud, qui, depuis 1837[3], a publié beaucoup d’observations, tendant à placer dans les lobes antérieurs du cerveau le siège de la faculté du langage et du pouvoir coordinateur de la parole. Enfin, parmi les travaux plus récents, qui ont paru sur ce point limité de la pathologie cérébrale, nous devons signaler en dernier lieu ceux du Dr Hun, de W. Nasse, de Forbes Winslow, de Broca et du professeur Trousseau.

Pour classer aussi clairement que possible les observations particulières que nous allons relater dans la première partie de ce travail, nous admettrons les trois catégories suivantes :

Dans la première, nous placerons les cas dans lesquels, tout en conservant l’intelligence et l’intégrité des organes de la phonation, les malades ne se rappellent, ou n’articulent spontanément, que certains mots, certaines catégories de mots, ou même certaines syllabes

  1. Gesner, Sammlungen von Beobachtungen aus der Arzneigelartheit Nordt, 1770, II, 107.
  2. Crichton, Nature et origine des maladies mentales.
  3. Bouillaud, Bulletin de l’Académie de médecine, 1837.