Page:Falret - Études cliniques sur les maladies mentales et nerveuses, 1890.djvu/414

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme la plupart des hommes. Dans ces circonstances, le degré de leur responsabilité morale ne peut être apprécié d’après des lois générales ; on est obligé de se guider sur les faits observés dans chaque cas particulier, et cette appréciation est nécessairement vague et douteuse. Une large part doit donc être faite, dans ces cas, au jugement du médecin. Lorsqu’un épileptique commet un acte violent dans ces conditions (comme cela est arrivé par exemple, à celui qui a tué le médecin de l’asile des aliénés d’Avignon), le malade peut être considéré, dans certains cas, comme partiellement responsable de son action ; il ne reste plus alors au médecin qu’à plaider les circonstances atténuantes et à demander au tribunal la diminution de la peine. Telle est l’opinion de la plupart des auteurs qui se sont occupés de cette question, opinion que M. Baillarger a encore exprimée[1]. C’est dans ces circonstances seulement que le médecin expert peut se baser sur les principes généraux que nous avons déjà exposés, c’est-à-dire sur le nombre, la fréquence et l’ancienneté des attaques d’épilepsie, sur leur production peu de temps avant ou après l’acte incriminé, etc.

Ceci nous amène naturellement à parler de la capacité civile des épileptiques. C’est en effet pendant les intervalles de raison que ces malades sont appelés à accomplir des actes civils, tels que testaments, donations, ventes, etc., dont la validité peut plus tard être contestée. Nous ne pouvons que mentionner ici, en passant, ces diverses circonstances, sans y insister. Nous nous bornerons à poser à cet égard un principe général. Dans les cas douteux, c’est-à-dire quand les actes civils n’ont pas eu lieu pendant des accès de maladie mentale caractérisée (tels que ceux du grand ou du petit mal intellectuel), ou bien pendant un état continu d’aliénation mentale, comme il en existe chez d’anciens épileptiques, on doit ordinairement les considérer comme valables. On ne peut en effet, selon nous, priver toute une classe d’individus, déjà si malheureuse sous tant de rapports par l’effet de sa maladie, de l’exercice de ses droits civils, alors que l’expérience a démontré que, malgré des altérations de caractère ou des affaiblissements temporaires de l’intelligence, ces malades pouvaient jouir entre leurs accès de longs inter-

  1. Baillarger, Responsabilité des épileptiques (Bulletin de l’Académie de médecine).