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les diverses monomanies homicide, incendiaire, du vol, etc., lesquelles reposent uniquement sur la considération de l’acte violent, dont il ne reste plus alors au médecin légiste qu’à étudier les caractères spéciaux, pour chercher à en démontrer la nature maladive. Pour les épileptiques par exemple, on les a représentés comme saisis subitement de l’impulsion au meurtre, se précipitant brusquement sur la première personne qu’ils rencontrent, la frappant ou la tuant, puis revenant brusquement à la raison après cet accès si court de folie instantanée, et ne donnant plus ensuite aucun signe d’aliénation mentale. Ces faits sont certainement exacts dans une certaine mesure ; nous sommes même très convaincus qu’il suffit de rechercher, chez de pareils malades, l’existence de l’épilepsie, sous la forme de vertiges ou de grandes attaques nocturnes ou diurnes, pour avoir de grandes chances de la découvrir. Mais l’observation ainsi faite nous paraît tout à fait incomplète.

Nous ne nions pas, d’une manière absolue, l’existence des accès instantanés d’aussi courte durée chez les épileptiques ; nous les comparons même, dans l’ordre moral, à ce qu’est le vertige épileptique simple dans l’ordre physique : mais nous soutenons que ces faits sont heureusement très rares, et que presque toujours, sinon toujours, l’accès de trouble mental est plus prolongé et plus intense. L’observateur attentif constate en effet, avant et pendant l’acte violent, un obscurcissement notable de l’intelligence et un état de confusion générale des idées, pendant lequel le malade ne se rend bien compte, ni de ce qui se passe en lui ni autour de lui. Il existe, en un mot, un ensemble de symptômes physiques et moraux, qui permettent d’assigner à ce trouble passager de l’intelligence des caractères maladifs, indépendamment de l’acte qui fait l’objet spécial de l’examen.

Dans la majorité des cas, le petit mal intellectuel des épileptiques, dans ses divers degrés, présente une plus longue durée et des symptômes plus nombreux, que nous avons déjà décrits, et qu’il suffira de rappeler. Quelques heures, souvent même plus longtemps, avant l’acte violent qui lui est reproché, le malade a abandonné son domicile, ses affaires, l’atelier où il travaillait ; il s’est montré absorbé, distrait, et il a présenté une véritable obtusion dans les idées ; il a vagabondé, erré à l’aventure ; il a éprouvé des accès de désespoir,