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lade se trouve accusé, les caractères que nous avons assignés à la manie épileptique peuvent être d’un grand secours pour faire découvrir des accès de grand ou de petit mal qui seraient passés inaperçus, ou pour démontrer la nature épileptique de la maladie et en faire retrouver les manifestations dans la vie antérieure du malade. Or, comme nous le dirons tout à l’heure, constater l’épilepsie chez un aliéné accusé d’un acte violent, c’est changer en certitude les doutes que l’on pouvait conserver sur son irresponsabilité, et contribuer puissamment à le faire acquitter par les tribunaux.

Les accès de manie avec fureur, malgré les signes très évidents de délire qu’ils présentent habituellement, peuvent encore offrir au médecin expert deux causes d’erreur qu’il importe de faire remarquer.

La netteté parfois très grande des idées que ces malades manifestent pendant leurs accès, les paroles assez suivies qu’ils prononcent, même au milieu d’un grand désordre des mouvements, la préméditation, le calcul et les motifs de vengeance, qui, dans quelques cas rares, président à l’accomplissement des actes qui leur sont imputés, pourraient induire les magistrats en erreur sur la nature maladive de ces actes, si, au lieu d’envisager l’ensemble des symptômes de la maladie, on se bornait, comme on le fait trop souvent, à discuter sur les mobiles et les détails de l’acte spécial qui fait l’objet de l’examen médico-légal. De plus, la lucidité complète que présente quelquefois le malade au moment où on l’interroge, après la cessation de l’accès de manie (cessation qui peut avoir lieu brusquement, très peu de temps après l’acte violent), pourrait encore porter les magistrats à douter de la vérité du témoignage des assistants ou du malade lui-même. Enfin la perte de la mémoire ou du moins la diminution considérable des souvenirs, si fréquente à la suite de cet état mental, contraste à un tel point avec les signes de lucidité relative manifestés pendant les accès, que les magistrats y voient souvent une preuve de mauvaise foi ou de simulation, plutôt qu’un nouveau signe ajouté au tableau de l’état maladif. Dans ces cas délicats, le médecin expert a donc besoin de connaître exactement tous les symptômes propres à la manie spéciale des épileptiques pour parvenir à déterminer le jugement des tribunaux. Mais c’est principalement dans les cas de petit mal intellectuel que les difficultés de la médecine légale des épileptiques augmentent considéra-