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prononcent alors des paroles ou se livrent à des actes qui pourraient faire douter de la nature réellement épileptique de ces accès, et faire attribuer aux actes accomplis au milieu de cet état tout particulier du système nerveux un caractère de volonté et de liberté morale qu’ils ne possèdent à aucun titre[1]. Cette situation mentale si singulière ressemble, sous plusieurs rapports, au somnambulisme et à certaines névroses extraordinaires, autres que l’épilepsie ; elle est également comparable à l’état de rêve.

Un phénomène remarquable, qui a lieu fréquemment dans ces attaques d’épilepsie ou dans l’intervalle de deux attaques complètes, mérite d’être signalé en passant. Le malade, dans ces conditions, paraît complètement revenu à lui-même : il entre en conversation avec les personnes qui l’entourent, il se livre à des actes qui paraissent commandés par sa volonté ; il semble, en un mot, revenu à son état normal. Puis l’attaque épileptique recommence, et, lorsqu’elle a cessé et que le malade est alors réellement revenu à la raison, on constate avec étonnement qu’il n’a conservé aucun souvenir des paroles ni des actes qui ont eu lieu dans l’intervalle des deux accès. Il ne peut donc être regardé comme responsable de ce qu’il a dit et fait pendant cette période de temps intermédiaire. Un fait analogue se produit quelquefois dans les rêves : réveillé au milieu d’un rêve, on se lève, on s’entretient avec les personnes présentes, on se livre à des actes habituels qui nécessitent l’intervention de la volonté ; puis on se rendort, on reprend son rêve interrompu, et, chose étonnante, au réveil, on n’a conservé aucun souvenir de l’intervalle de temps intercalé entre les deux périodes de sommeil.

Les accès de manie avec fureur, que nous avons décrits, dans notre premier chapitre, sous le nom de grand mal intellectuel, soit qu’ils se trouvent directement en rapport avec les attaques d’épilepsie, soit qu’ils se produisent dans leurs intervalles, n’offrent aux médecins légistes que de rares difficultés d’appréciation. Néanmoins, lorsque l’attaque épileptique nocturne ou diurne n’a pas été constatée, ou bien lorsqu’elle n’a pas eu lieu à l’époque où le ma-

  1. M. Calmeil a cité quelques exemples de ces attaques incomplètes. Thèse (Paris, 1824), et Trousseau en a rapporté plusieurs également intéressants. (Bull. de l’Acad. de méd., 19 mars 1861, et Clinique médicale de l’Hôtel-Dieu, 7e édition ; Paris, 1885.)