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prit de ceux qui les éprouvent, des traces évidentes et durables, même dans l’intervalle des paroxysmes. Mais lorsqu’on ne borne pas son observation aux épileptiques qui sont renfermés dans les asiles d’aliénés, lorsqu’on l’étend à tous ceux qui vivent dans la société, sans que personne puisse soupçonner leur maladie, il est impossible de ne pas accorder à un certain nombre d’épileptiques le privilège de la responsabilité morale, sinon pendant toute leur vie, au moins pendant de longues périodes de leur existence.

Puisque la question de la responsabilité ou de l’irresponsabilité des épileptiques ne peut être tranchée d’une manière absolue ; puisqu’on doit considérer certains épileptiques comme coupables des actes qui leur sont imputés, à certaines périodes de leur maladie, l’appréciation de cette responsabilité devient extrêmement délicate dans chaque cas particulier. Elle mérite donc de la part des médecins, comme de la part des magistrats, un examen très attentif. Quelle est la limite de cette responsabilité ? Voilà ce que les médecins légistes ont cherché à déterminer. La plupart d’entre eux se sont livrés, à cette occasion, à des dissertations interminables sur les divers degrés du libre arbitre chez l’homme à l’état normal, à l’état de passion, et à l’état de maladie. Ces dissertations, qui sont plutôt du domaine de la philosophie que de la médecine, ne doivent pas trouver place ici ; il nous est impossible cependant de ne pas en parler. Au lieu de vouloir mesurer, chez chaque individu, l’intensité de l’impulsion maladive et le degré de résistance que pourrait lui opposer la volonté (toutes choses qu’il est absolument impossible d’apprécier avec exactitude), certains auteurs ont cherché à découvrir des moyens plus pratiques pour se prononcer sur la liberté morale des épileptiques au moment de l’acte incriminé. Quelques-uns d’entre eux ont admis que le même malade pouvait tout à la fois être déclaré responsable de certains actes, et irresponsable de certains autres, selon que ces actes étaient ou n’étaient pas en rapport direct avec l’idée ou l’impulsion maladives dominantes.

Cette doctrine, qu’on a voulu appliquer, non seulement à l’épilepsie, mais aux diverses variétés de l’aliénation partielle, nous paraît tout à fait inadmissible. Nous ne pouvons comprendre cette scission de la personnalité humaine en deux parties, dont l’une serait entraînée irrésistiblement par une idée délirante ou un penchant maladif,