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certains états d’aliénation mentale, dont la véritable nature pourrait échapper à l’observateur. Enfin, la connaissance des troubles intellectuels propres à l’épilepsie donne une base plus solide à la classification des maladies mentales, en permettant d’établir une espèce naturelle, sous le nom de folie épileptique, au lieu des formes artificielles que nous possédons actuellement, sous les noms de manie, monomanie, mélancolie et démence, qui ne représentent que des états symptomatiques provisoires et non des espèces véritables d’aliénation mentale.

Mais ce n’est pas ici le lieu d’insister sur les avantages que peut offrir pour la pathologie mentale la création d’une forme spéciale, sous le nom de folie épileptique. Nous avons voulu seulement signaler en passant cette conséquence de notre travail, et nous avons hâte d’arriver à son application la plus importante, c’est-à-dire à l’utilité qu’il peut avoir pour la médecine légale des aliénés.

La première question qui se présente naturellement à l’esprit, lorsqu’on aborde la médecine légale de l’épilepsie, est celle-ci : Tous les épileptiques qui se livrent à un acte violent justiciable des tribunaux doivent-ils être considérés, oui ou non, comme aliénés, et partant comme irresponsables ? Quelques médecins, trop préoccupés des bizarreries de caractère et des singularités de conduite que l’on observe chez la plupart des épileptiques, même chez ceux qui ont conservé toutes les apparences de la raison, se sont prononcés pour l’affirmative ; ils ont admis que la seule constatation de l’épilepsie chez un individu accusé d’une action réputée criminelle devait suffire pour le faire acquitter, comme n’ayant pas joui de toute sa liberté morale au moment de l’accomplissement de l’acte qui lui est imputé.

Une doctrine aussi absolue ne peut être acceptée sans réserves ; elle étendrait outre mesure la sphère de l’irresponsabilité maladive, et, si elle était généralement adoptée par les médecins, elle compromettrait gravement leur autorité aux yeux des magistrats, qui n’admettront jamais que le fait seul de l’épilepsie puisse suffire pour faire absoudre un coupable. Les médecins qui n’observent les épileptiques que dans les asiles d’aliénés peuvent être enclins à adopter cette opinion absolue. En effet, malgré le caractère essentiellement intermittent des troubles intellectuels chez les épileptiques, la répétition fréquente des accès de délire laisse le plus souvent, dans l’es-