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à conclure que ces deux maladies, ayant un même siège et se trouvant souvent réunies, peuvent être attribuées à une même lésion anatomique. C’est ainsi que Bouchet et Cazauvieith[1], les ont rattachées l’une et l’autre à la congestion ou à l’inflammation du cerveau ou de ses membranes. D’autres auteurs, sans remonter jusqu’à la cause prochaine des deux phénomènes dont ils observaient la fréquente coïncidence, se sont bornés à proclamer, comme l’a fait Esquirol[2], que l’épilepsie pouvait entraîner à sa suite toutes les formes de l’aliénation mentale, depuis l’idiotisme et la démence jusqu’à la manie et au délire partiel.

Quand on se place au point de vue que nous avons cherché à faire prévaloir, on n’envisage plus de la même façon les relations qui existent entre l’épilepsie et la folie. On admet l’existence d’une folie ou d’un délire épileptique ayant des caractères spéciaux, et l’on croit qu’il est possible de remonter de la connaissance de ce délire à celle de l’affection convulsive elle-même. Dès lors on ne considère plus le délire et la convulsion comme deux maladies distinctes, mais comme deux manifestations diverses d’un même état morbide, qui peuvent exister séparément ou simultanément, alterner ou se succéder à courts intervalles, mais qui ont au fond la même signification pathologique[3].

Cette donnée théorique entraîne dans la pratique des conséquences assez importantes. Elle permet de rechercher et de découvrir chez un aliéné l’existence de l’épilepsie, alors que les signes physiques de cette maladie ont été méconnus, ou bien ne se produisent réellement pas au moment où l’on observe le malade. Elle fournit ainsi au praticien un auxiliaire précieux pour le diagnostic et le pronostic de

  1. Bouchet et Cazauvieith, Archives générales de médecine ; 1825.
  2. Esquirol, Des maladies mentales ; Paris, 1838.
  3. Nous sommes heureux de trouver la même opinion énoncée presque dans les mêmes termes par notre honorable confrère et ami le Dr Billod. Voici comment il s’exprime à cet égard : « Quels sont les rapports qui existent entre les attaques d’épilepsie et les accès de fureur ? Ces accès de fureur, au lieu d’être consécutifs à l’accès d’épilepsie, ne seraient-ils pas une des formes multiples que peut revêtir l’atteinte du mal épileptique ? En d’autres termes, les accès d’épilepsie et de fureur ne seraient-ils pas deux formes d’accès du même mal, deux effets différents de la même cause, au lieu d’être unis entre eux par une relation de cause à effet ? » Mémoire sur la paralysie générale des aliénés, Annales médico-psychologiques, 2e série, t. II, p. 611 ; 1850.