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Observation XVIII. — Le nommé B…, âgé de quarante trois ans, a été réformé autrefois du service militaire pour cause d’épilepsie. Il y a quelques jours (3 décembre 1860), il s’est présenté chez un commissaire de police pour lui demander protection contre lui-même. Il lui apprit que sa femme l’ayant quitté, il s’est trouvé pris d’un accès de désespoir involontaire, qu’il perd la tête, qu’il ne sait plus ce qu’il fait, qu’il erre dans la campagne, qu’il éprouve le besoin irrésistible de tuer sa femme et qu’il la tuera !

Cet homme, âgé de quarante-trois ans, est, dans le moment où je l’interroge (5 décembre 1860), dans un état mental satisfaisant ; il n’a aucune hébétude, répond facilement à toutes les questions, et dit qu’il veut écrire à sa femme pour l’engager à revenir avec lui. Son état de délire a donc disparu.

Il dit qu’il a quelquefois des sueurs qui lui prennent subitement à la suite de la plus simple contrariété ; que de temps en temps il boit, mais qu’en dehors de cette circonstance il ne perd pas la tête. Il prétend qu’il ne lui arrive jamais de se promener sans but, et qu’il n’oublie pas non plus des périodes entières de son existence.

Il affirme que l’idée de tuer sa femme lui a pris tout à coup. Il dit n’éprouver jamais d’étourdissements et n’avoir pas eu d’attaques d’épilepsie depuis qu’il a quitté le régiment (à l’âge de vingt-deux ans, et il en a maintenant quarante-trois). Les étourdissements ont eu lieu, dit-il, une fois ou deux dans la première année de son mariage, en 1841 ; mais, depuis cette époque, il affirme ne plus en avoir éprouvé. La moindre chose le contrarie. Il a des nerfs, dit-il ; il lui est arrivé de frapper dans des disputes, mais il prétend qu’il ne casse pas et qu’il n’a pas de colères violentes.

Ces renseignements négatifs donnés par le malade lui-même n’ont pas une grande valeur ; ils auraient besoin d’être confirmés par le témoignage de personnes ayant vécu avec lui ; on ne doit donc les accepter qu’avec réserve.

Mais cette observation, toute incomplète qu’elle est sous certains rapports (surtout au point de vue de la cessation de l’épilepsie pendant vingt et un ans), est néanmoins très curieuse comme exemple d’une tendance instinctive à l’homicide, se développant sous forme d’accès, chez un individu qui a eu des attaques d’épilepsie vingt ans