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du reste il chérit tendrement, seraient, dans ses accès, les premières victimes de son penchant au meurtre : « Ma mère, s’écrie-t-il d’une voix terrible, sauve-toi où il faut que je t’étouffe ! »

Avant l’accès, il se plaint d’être accablé par le sommeil, sans cependant pouvoir dormir ; il se sent très abattu et éprouve de légers mouvements convulsifs dans les membres. Pendant les accès il conserve le sentiment de sa propre existence. Il sait parfaitement qu’en commettant un meurtre, il se rendrait coupable d’un crime. Lorsqu’on l’a mis hors d’état de nuire, il fait des contorsions et des grimaces effrayantes, tantôt chantant, tantôt parlant en vers. L’accès dure d’un à deux jours ; l’accès fini, il s’écrie : « Déliez-moi ; hélas ! j’ai bien souffert, mais je m’en suis tiré heureusement, puisque je n’ai tué personne »[1].

Observation XVII. — Le Dr Schupmann rapporte l’observation d’une épileptique âgée de trente ans, dont les accès étaient d’une remarquable intensité. Elle fut atteinte du choléra qui l’affaiblit beaucoup, mais qui se termina cependant par la guérison. À peine rétablie, elle s’agita, montra beaucoup de mobilité, prétendit qu’elle sentait remuer quelque chose de vivant dans son ventre et, se pénétrant de plus en plus de cette idée fixe, finit enfin par prétendre qu’elle était enceinte. La moindre contradiction à ce sujet produisait un accès de fureur tel qu’il fallait l’assujettir sur un fauteuil. On tenta plusieurs épreuves pour la tirer d’erreur, on simula même un accouchement, et l’on eut alors l’occasion d’observer une excitation assez vive du côté des organes de la génération. Tout fut inutile ; elle resta dans son erreur. Le sommeil l’avait quittée, l’agitation n’avait pas de trêve. On y opposa l’emploi de l’opium à haute dose, ainsi que du camphre et du nitre, et l’on finit par obtenir graduellement un peu de repos ; mais l’idée fixe restait toujours. Elle n’a disparu que par le retour des accès d’épilepsie, qui, pendant cette aliénation mentale passagère, n’avaient pas reparu, et étaient ainsi la cause de ce délire[2].

  1. Esquirol, Mémoire sur la monomanie homicide, p. 831 ; fait emprunté à Gall.
  2. Extrait, par Renaudin, du Journal für psychiatrie, 2e cahier, 1847, dans les Annales médico-psychol., 2e série, t. Ip. 301.