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éprouvé d’absences de plusieurs jours, mais avoir eu des moments où on le considérait comme hébété. Il se promenait alors constamment dans sa chambre ; il avait un grand besoin de locomotion, ne pouvait ni travailler ni se fixer à rien ; il ne se promenait pas au dehors ou dans la campagne, mais il ne pouvait rester en place.

Les détails de l’acte violent pour lequel ce jeune homme a été condamné sont intéressants à rapporter. En passant auprès de son camarade, qui était le seul ami qu’il eût conservé dans la fabrique, il s’arrêta devant lui, l’embrassa à plusieurs reprises avec effusion de larmes, puis revint s’asseoir à sa place. Il était connu comme très excentrique et personne n’y fit attention. Un instant après, il se leva de nouveau, passa encore derrière son ami, et, cette fois, lui asséna sur la tête un coup de pilon si violent qu’on le crut mort sur le coup. Le malade lui-même, interrogé dans la prison sur les détails et les motifs de cet acte, nous répond qu’il en a en grande partie perdu le souvenir ; cependant, il sait qu’il a frappé son camarade sans préméditation : le pilon était toujours auprès de lui, il s’en est servi parce qu’il l’a trouvé sous sa main. Il se rappelle que son ami avait accusé, les jours précédents, les personnes de la fabrique d’avoir mis du jalap dans sa soupe et d’avoir voulu l’empoisonner ; cette accusation lui est revenue tout à coup à l’esprit en voyant cet individu devant lui, il a cru qu’il l’accusait lui-même de ce crime ; alors, cette idée lui ayant traversé l’esprit, il le frappa machinalement, par suite d’une impulsion instinctive à frapper qu’il avait dans ce moment comme dans beaucoup d’autres, et qu’il a amèrement regrettée depuis.

Les observations précédentes terminent la série des faits destinés à prouver que l’épilepsie diurne ou nocturne peut être méconnue chez des malades présentant les caractères spéciaux du délire épileptique, et que la connaissance de ce délire spécial peut devenir un auxiliaire précieux pour découvrir les symptômes physiques de la maladie qui passeraient inaperçus.

Pour compléter l’exposé des faits que nous voulions rapporter, il nous resterait maintenant à aborder le côté le plus délicat de notre sujet. Nous aurions à citer des exemples de transformation de l’épilepsie en délire, chez des malades qui ont été épileptiques, mais qui