Page:Falret - Études cliniques sur les maladies mentales et nerveuses, 1890.djvu/392

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pendant le jour, au moins trois fois par semaine, il éprouve des étourdissements semblables. Jamais il n’est tombé, dit-il, parce que ces étourdissements ne surviennent pas tout à coup, et qu’il a le temps de se prémunir contre la chute. Il sent ses mains qui se crispent, ses yeux qui se brouillent, et il est obligé de s’appuyer sur un meuble, sur le lit, ou même de se coucher, parce qu’il ne pourrait pas se tenir debout. Ces phénomènes se produisent surtout dans la soirée, mais également pendant le jour. Néanmoins, il dit n’être jamais tombé complètement, ne pas s’être blessé, et n’avoir jamais été rapporté chez lui sans connaissance.

Lorsque ces étourdissements se reproduisent plusieurs fois de suite, il se sent, malgré lui, porté à frapper, à briser les objets ; il cherche à se contenir, mais quelquefois il ne peut s’en empêcher. Il lui est arrivé souvent de casser les objets dont il se sert pour ses couleurs. Quand il est dans cet état, il se méfie de lui-même ; il évite de parler à qui que ce soit, et s’éloigne volontairement, quand on s’approche de lui, parce qu’il sent que si on lui disait le moindre mot, il entrerait en discussion et frapperait celui qui lui répondrait. « Dans d’autres moments, dit-il, j’ai un caractère très doux ; mais, dans ces moments-là, je fais des choses que je regrette bien après. C’est comme cette fois-ci, je ne sais pourquoi j’ai frappé mon camarade, que j’aimais bien ; j’en ai été bien peiné plus tard, mais dans le moment je n’y pensais pas. »

Quand il éprouve ces étourdissements coup sur coup, sa mémoire s’affaiblit beaucoup ; il veut prendre un objet, et, en allant le chercher, il oublie ce qu’il allait faire. Dans ces moments-là, il lui arrive également d’écrire des choses qu’il ne se rappelle plus ensuite avoir écrites ; quand il les relit plus tard, il les déchire, parce qu’il s’aperçoit que ce n’est pas bien fait. Il lui est ainsi fréquemment arrivé de déchirer plusieurs pages de ses registres. La mémoire est beaucoup plus affaiblie après les étourdissements que dans les intervalles ; il se rappelle plus tard des choses qu’il avait complètement oubliées après les étourdissements. C’est ainsi, par exemple, qu’on lui a fait voir un papier qu’il aurait écrit dix minutes après l’acte violent pour lequel il a été condamné ; or il se rappelle bien être monté dans sa chambre après cet acte, et avoir pris son registre, mais il ne se rappelle pas du tout ce qu’il a écrit. Il dit n’avoir jamais