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original ; d’un caractère sombre et mélancolique, il passait fréquemment d’une gaieté excessive à une prostration très grande. Irritable au plus haut degré, il lui est arrivé fréquemment de frapper ses camarades, sans provocation aucune. Ses amis avaient eu tant à souffrir de l’inégalité de son caractère, que peu à peu ils s’étaient éloignés de lui. Lorsqu’on lui rappelait ces faits, il niait les avoir commis ; ses souvenirs étaient si vagues et ses actes si instantanés, qu’il ne pouvait donner l’explication des actes étranges dont il était le premier à gémir. Employé dans une fabrique de Rouen, pour un talent particulier de coloriste, qu’il possédait à un haut degré, malgré le niveau peu élevé de son intelligence, il se défiait tellement de lui-même, qu’il avait rompu toute relation avec ses camarades, et se renfermait le plus souvent dans sa chambre, où il se livrait à des expériences de chimie. Il rapporte qu’il éprouve, depuis son enfance, de fréquents étourdissements, qui lui passent devant les yeux comme un brouillard. Il sait si bien qu’il est sujet à des étourdissements qui l’obligent à se coucher pendant le jour pour ne pas tomber, et qui le poussent malgré lui à casser et à frapper, qu’il en a prévenu le directeur de la fabrique avant d’y entrer ; il lui a dit, en outre, que quelquefois il ne se rappelait pas ce qu’il venait de faire ou d’écrire, et que plus tard il était obligé de déchirer et de refaire certaines pages de ses registres, qu’il avait mal écrites pendant qu’il était malade. Il sent si bien qu’il est exposé à perdre la mémoire dans certains moments, qu’il a pris depuis longtemps l’habitude de mettre par écrit les choses dont il désire conserver le souvenir, et que sans cette précaution il oublierait. Il accuse des maux de tête presque continuels ; par moments, ils sont extrêmement intenses, surtout au front, puis au sommet, et vont en diminant à la partie postérieure. Ces maux de tête sont quelquefois si forts pendant la nuit, qu’il est obligé de se tenir presque assis dans son lit, ou même de ne pas se coucher. Il dort très peu ; il se réveille vingt minutes, ou une demi heure environ, après s’être endormi, par suite de ses maux de tête ou de ce qu’il appelle des serrements de nerfs ; il sent alors ses bras qui se crispent et se contractent, puis ses yeux se brouillent. Il lui est arrivé souvent, en dormant, de se mordre, non pas la langue, mais l’intérieur des joues. Il se réveille fréquemment avec les pouces serrés dans le creux de la main, et la salive qui s’écoule le long de sa bouche.