Page:Falret - Études cliniques sur les maladies mentales et nerveuses, 1890.djvu/390

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parle, agit et travaille, comme tout le monde ; tantôt, au contraire, il a de l’obtusion dans les idées, il oublie tout, ne peut plus se retrouver dans ce qu’il fait ; il erre çà et là, dans un état de vagabondage, veut se tuer, et dit lui-même qu’il ne sait ce qu’il fait. Il entend alors des voix, il voit des lumières et des figures qui passent devant ses yeux. Il a en partie conscience du vague et de la confusion qui existent dans ses idées.

Les observations qui précèdent suffiraient pour faire connaître les caractères particuliers du trouble mental auquel nous avons donné le nom de petit mal intellectuel des épileptiques. Elles permettent d’apprécier l’importance de l’étude de cet état mental, pour faire découvrir chez ces individus des vertiges épileptiques ou de grandes attaques nocturnes, qui, sans cette connaissance, pourraient rester ignorés. Néanmoins, pour compléter la démonstration d’un fait aussi important pour la clinique et la médecine légale, nous ne pouvons nous empêcher de citer ici une dernière observation, plus curieuse encore que les précédentes, que nous avons eu l’occasion de recueillir, dans la prison du palais de justice à Rouen, avec le Dr Morel, de Saint-Yon. Cette observation est d’autant plus intéressante à rapporter que le jeune homme qui en fait l’objet, et qui présentait évidemment tous les symptômes physiques et moraux de l’épilepsie, avait été condamné à cinq ans de prison par la cour de Rouen, à la suite d’un acte violent commis sous l’influence de sa maladie, et commençait à subir sa peine dans la prison, au moment où nous l’avons interrogé (7 août 1857).

Observation XV. — Le nommé S…, âgé de vingt et un ans, a été condamné à cinq ans de prison par la cour de Rouen, pour avoir failli tuer un de ses camarades de fabrique d’un coup de pilon. Voici les détails que nous avons pu obtenir de lui-même sur ses antécédents et sur son état actuel :

Il est né en Alsace et appartient à une famille qui compte des aliénés, des apoplectiques et des épileptiques. Il dit lui-même que sa maladie lui vient du côté de sa mère, qui a été longtemps malade comme lui, et qui en est morte ; plusieurs de ses frères et sœurs en sont morts également. Lui-même a toujours été bizarre et