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et selon nous provisoire, il aura rendu un service à la pathologie des maladies mentales. La relation étroite si remarquable, établie par Morel, entre les différentes variétés de la folie des actes et les divers degrés de l’imbécillité ou de l’idiotisme, relation qui était à peine soupçonnée, et qu’après ses travaux il est difficile de contester, est à nos yeux un véritable progrès pour notre spécialité.

Elle permet, selon nous, lorsqu’on constate, chez un même malade, ou chez divers individus d’une même famille, la coïncidence des états de manie sans délire ou de folie raisonnante avec divers degrés de l’imbécillité, de remonter avec certitude à la notion de l’hérédité accumulée dans cette famille. Morel n’eût-il obtenu que ce résultat, en créant la folie héréditaire telle qu’il l’a constituée, qu’il eût ouvert une voie féconde où les observateurs pourront s’engager après lui, pour y découvrir de nouveaux filons !

La classification proposée par Morel, est donc préférable à nos yeux, sous plusieurs rapports, à la classification régnante, parce qu’elle repose sur un ensemble de symptômes propres à certaines formes et en rapport avec des causes spéciales, sur une marche déterminée et sur l’évolution naturelle des maladies ; elle ne répond pas cependant, selon nous, à l’idéal que nous faisons d’une classification naturelle des maladies mentales. On nous objectera que nous plaçons cet idéal trop haut, dans une région presque inaccessible. On nous reprochera de rester dans le vague et de ne pas indiquer clairement, par des faits pratiques, ce que nous entendons sur la création de formes vraiment naturelles dans les maladies mentales. Le temps nous manque pour entrer dans les détails que nécessiterait cette démonstration. Heureusement, nous possédons dès aujourd’hui, dans la pathologie mentale, une de ces formes naturelles, qui n’existait pas il y a une trentaine d’années, dont plusieurs auteurs recommandables contestent encore la réalité, mais que tout tend actuellement de plus en plus à faire reconnaître comme espèce bien caractérisée : nous voulons parler de la paralysie générale des aliénés, ou folie paralytique. Les travaux de Bayle, de M. Calmeil[1], de Parchappe et de beaucoup d’autres auteurs qui ont écrit sur cette affection, ont établi la réalité de cette forme spéciale de ma-

  1. Calmeil, Paralysie considérée chez les aliénés ; Paris, 1826.