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mental, la justice avait agi prudemment en substituant la séquestration administrative à une condamnation capitale. L’existence des attaques si elle avait été connue, aurait rassuré plus complètement les magistrats sur l’équité de leur arrêt[1].

Cette observation très curieuse démontre que l’existence de l’épilepsie, chez des individus considérés simplement comme aliénés, peut être méconnue pendant longtemps, même par des médecins très habitués à cette maladie.

Nous allons y joindre plusieurs observations analogues, recueillies par nous-même. Ce sont des exemples du genre de délire auquel nous avons donné le nom de petit mal intellectuel. Dans la plupart de ces cas, la maladie qui seule avait fixé l’attention était l’aliénation mentale. C’est seulement par l’examen des caractères spéciaux du délire que nous avons été conduit à soupçonner et à découvrir chez ces malades des vertiges ou de grandes attaques nocturnes. Nous nous bornerons, pour le moment, à relater ces observations, sans les faire suivre d’aucun commentaire, nous réservant d’y revenir plus tard, à l’occasion de la médecine légale.

Observation X. — Le nommé V…, vingt et un ans, a été arrêté le 22 mars 1858, à onze heures du soir, dans Paris, et conduit à la préfecture de police, pour avoir donné, sans motif appréciable et sans provocation, un coup de couteau à une fille publique qu’il avait rencontrée sur un trottoir. Interrogé le lendemain 23 mars, il nous a donné les renseignements suivants, que nous rapportons sous forme aphoristique, pour abréger cette observation.

V… se rappelle d’une manière confuse ce qu’il a fait avant et après l’acte violent sus-mentionné ; mais, au moment même où il a frappé cette femme, il avait, dit-il, la tête perdue. Il ne se rappelle qu’une chose, c’est que le couteau est entré en quelque sorte tout seul. En se sauvant après l’accomplissement de l’acte, il n’avait pas l’idée de ce qu’il venait de faire ; ce n’est qu’en arrivant sur la place des Victoires qu’il a commencé à se rendre compte d’une manière incomplète de l’action qu’il venait de commettre.

  1. Delasiauve, Traité de l’épilepsie, p. 486.