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visite, le médecin trouva Pierre S… calme et respectueux. Il ordonna douze sangsues à l’anus. Pierre S… sembla accepter cette prescription avec plaisir ; mais, l’agitation et le délire étant revenus, ce malade refusa les sangsues, malgré toutes les injonctions. Cependant vers le soir, il parut se décider, et les sangsues furent appliquées ; mais à peine avaient-elles pris, qu’il les arracha toutes avec la main. Cette exaltation dura jusqu’au 27 avril, mais en diminuant de violence, au point que de la fureur elle se réduisit successivement à une simple irritabilité. On remarqua que l’exaspération était généralement plus intense le soir que le matin. On n’observa pas de nouvelles attaques d’épilepsie pendant tout le septénaire de l’accès.

Il n’y eut pas d’accès notables de délire jusqu’au mois de mars 1850 ; on remarqua seulement, de temps en temps, un peu plus d’irritabilité. Quant aux attaques d’épilepsie, elles eurent à peu près le même degré d’intensité et de fréquence. Dans la première quinzaine de mars 1850, les attaques d’épilepsie devinrent bien plus rares. Trois ou quatre jours avant le 21 mars, Pierre S… eut quatre ou cinq attaques d’épilepsie assez fortes. Il devint alors sombre par moments ; néanmoins il n’y eut pas de délire manifeste, et à part cette légère surexcitation, rien ne pouvait faire présager un nouvel et plus terrible accès.

Pierre S… ne paraît pas avoir eu d’attaques épileptiques dans la nuit et dans la matinée du 21, cependant l’irritabilité était notable. Dans l’après-midi, Pierre S… ayant été heurté involontairement par un aliéné aveugle, lieutenant en retraite, s’emporta violemment, et finit même par lui donner, sans autre motif, deux ou trois coups de poing. L’irritation alors ne tarda pas à se calmer, pour faire place aux idées les plus noires. Pierre S… se reprochait vivement d’avoir frappé un de ses supérieurs : « Tu t’es déshonoré, s’écriait-il, tu ne peux survivre à la honte. Pierre S…, tu as frappé un officier ! » Ces idées sombres l’ont vivement préoccupé toute l’après-midi. Un aliéné seulement fut témoin de cette scène et n’en rendit compte que plus tard.

Au moment où le dîner sonnait, à cinq heures du soir, Pierre S… eut une attaque près de son lit ; un oreiller fut placé sous sa tête, et il resta seul un instant pendant que l’on conduisait les aliénés au réfectoire. Quelques minutes après, un infirmier, étant venu le pren-