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ment d’aucune action de la part du malade ; mais quelquefois, à la suite d’attaques d’épilepsie paraissant avortées, c’est-à-dire ayant une expression symptomatique moins marquée, la modification psychique était bien plus profonde ; il se livrait alors à des actes plus graves pour lui et pour les assistants. Ainsi, on a vu cet épileptique se servir d’un couteau qu’il avait à l’insu des gardiens, le manier, et chercher à faire des boutonnières à son pantalon. À la suite de quelque autre attaque, il voulait renverser la table du réfectoire, et l’on eut quelque peine à l’en empêcher. Le délire était encore, à cette époque, rare et surtout de courte durée. Dans l’intervalle des accès, d’ailleurs, la raison était entière, le calme complet, la soumission parfaite. L’autorité administrative n’accorda plus qu’une permission de sortie tous les quinze jours.

Cet état se prolongea jusqu’au mois de mars 1849, sans aggravation bien notable. Pierre S… devint alors plus morne, plus irritable ; on remarqua qu’il recherchait la solitude. Il paraît que les chagrins de famille n’étaient pas étrangers à cette modification mentale. Néanmoins, chose digne de remarque, les attaques étaient alors plus rares et moins graves ; l’affection épileptique semblait en quelque sorte ramasser ses forces pour se manifester avec plus d’intensité.

Le 21 avril, Pierre S… eut deux attaques dans la journée, et trois la nuit suivante. Le lendemain matin, il délirait, mais il était inoffensif et ne se plaignait même de personne. Le soir, le délire augmenta et fut accompagné d’irritation. La journée et la nuit se passèrent ainsi dans l’agitation, sans nouvelle attaque.

Le 22 était le jour fixé pour la sortie de quinzaine ; le médecin jugea prudent de retenir ce malade. L’agitation s’accrut, et contre toutes ses habitudes de soumission et de respect, Pierre S… alla jusqu’à menacer de frapper et même de tuer le médecin alors absent. Ces menaces durèrent longtemps ; elles ne changèrent que d’objet, et furent proférées, tantôt contre les sœurs, tantôt contre les infirmiers. L’exaspération était extrême ; elle revêtait par moments tous les caractères de la fureur ; les hallucinations se succédaient rapidement ; le plus souvent, les assistants ne pouvaient assigner aucun motif, même futile, à ces emportements.

La nuit du 22 au 23 fut assez tranquille, et le lendemain, à la