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Les attaques devinrent plus fréquentes à partir de cette époque ; elles se reproduisaient surtout la nuit. Un affaiblissement intellectuel en était la conséquence ; il durait une demi-heure, trois quarts d’heure, quelquefois plus longtemps. Alors Pierre S… ne comprenait rien à ce qui l’environnait ; il s’agitait sans motifs, et quand il avait repris l’usage de ses sens, il ne pouvait rendre compte de ce qui s’était passé. Il jouissait habituellement de toute sa raison, et se serait soumis avec résignation à son isolement, si sa femme n’était point venue l’exciter fréquemment, en le pressant de réclamer sa sortie. Les refus qu’il éprouvait l’irritaient et troublaient parfois sa raison ; il ne se porta néanmoins à aucun acte de violence.

L’autorité administrative accordait fréquemment à cet aliéné l’autorisation d’aller voir sa femme en ville, sous la surveillance d’un infirmier. Il profita d’une de ces permissions pour se rendre auprès du commissaire du gouvernement, afin de réclamer sa liberté ; son animation fut extrême, malgré la présence de sa femme et d’un infirmier.

Les attaques furent encore plus fréquentes et plus graves dans le mois de septembre 1848. Il se passait peu de nuits que Pierre S… ne fût plongé dans quelque accès, souvent assez bruyant pour réveiller les malades qui couchaient dans le même dortoir. Il poussait alors des cris lugubres qui causaient une pénible impression à ceux qui les entendaient. À ces cris succédait d’ordinaire un râle des plus sonores, après lequel Pierre S… tombait dans cette sorte de torpeur qui est la suite ordinaire des attaques de cette nature. Le lendemain, ce malade ne se souvenait de rien ; il se plaignait seulement d’un brisement tout particulier qu’il ne pouvait expliquer. Il avait quelquefois, mais bien plus rarement, des attaques pendant le jour. Quelques-unes se bornaient à un simple vertige ; d’autres consistaient en une perte de connaissance avec chute, mais, sans convulsions notables. Le délire survenait d’ordinaire dans ce dernier cas, et persistait une demi-heure, une heure. Pierre S… était alors obstiné, refusait d’obéir, ou même ne comprenait pas, s’agitait sans motifs, prononçait des paroles qui n’avaient pas de sens, mais n’était point offensif. Enfin, mais plus rarement, de violentes attaques se manifestaient avec fortes convulsions, délire très intense. La plupart de ces attaques n’étaient suivies immédiate-