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s’emparer de lui. Ramené dans son logement, Pierre S… devint assez promptement calme, et resta libre. Il paraît qu’il eut plusieurs autres accès de délire moins violents, et qui ne donnèrent pas lieu à des scènes de tumulte.

Au mois de mai 1846, à la suite de quelque discussion irritante, dit-on, Pierre S… fut saisi d’un nouvel accès de fureur ; s’armant d’un couteau, il fit à plusieurs personnes inoffensives des blessures si graves, qu’on les crut tout d’abord mortelles. Une vive terreur gagna les assistants ; tout le monde fuyait. La force publique parvint enfin à s’emparer de lui, et le conduisit dans les prisons du palais de justice. Une instruction fut commencée, mais les poursuites furent abandonnées, lorsqu’on eut constaté que ces actes de violence avaient été la conséquence d’un accès d’aliénation mentale. Par ordre de l’autorité administrative, il fut conduit dans l’asile public des aliénés de Montpellier. Lors de son entrée dans l’asile, le 12 juin 1846, Pierre S… jouissait d’une bonne santé ; il ne présentait aucun signe d’aliénation mentale. Il était seulement susceptible, irritable, et s’exagérait quelquefois l’importance de ce qui pouvait lui être désagréable ; il avait, en un mot, ce qu’on pourrait appeler le caractère d’un épileptique. Ainsi, il lui est arrivé de se précipiter, plein de colère, sur un malheureux aliéné qui avait paré sa boutonnière d’un ruban rouge ; il prétendait que lui seul dans la maison avait le droit de porter la décoration. Malgré cette irritabilité, il était fort soumis et très respectueux à l’égard des chefs de l’établissement. Ce malade n’avait que de loin en loin des accès d’épilepsie.

Au moment de son admission dans l’asile, Pierre S… vivait avec une femme dont il avait un enfant ; il désira le légitimer par un mariage. Le médecin en chef, M. Rech, fit un certificat dans lequel il constatait que l’aliénation mentale n’était pas continue, que pendant les intermissions, assez longues d’ailleurs, la raison était entière, et l’autorité civile procéda au mariage.

Dans le courant de novembre 1847, Pierre S… eut de fréquentes attaques d’épilepsie ; elles étaient annoncées, quelques jours à l’avance, par des étincelles que ce malade croyait voir ; elles n’étaient point d’ailleurs suivies de délire ni d’agitation. Cet état persista, sans variation notable, jusqu’au mois de mars 1848.