Page:Falret - Études cliniques sur les maladies mentales et nerveuses, 1890.djvu/38

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sans stupeur) et de déments, les individus devenus aliénés à la suite de diverses causes toxiques, telles que l’alcool, l’opium, le haschich, etc., il y aurait profit pour la science, et grand avantage pour la pratique, à chercher, par une observation vraiment scientifique, à découvrir, dans chacune de ces intoxications, des symptômes physiques et moraux spéciaux, en rapport avec la spécialité de la cause qui permettraient d’en soupçonner l’existence, même sans en avoir eu connaissance ; nous croyons que dans cette recherche réside une source véritable de progrès pour notre spécialité. C’est dans ces cas surtout que le principe étiologique devrait être adopté par tous comme base de la classification.

Nous arrivons enfin à la classe la plus vaste et la plus contestée, établie par Morel sous le nom de folie héréditaire. Tout le monde s’étonne que l’on ait cru pouvoir faire reposer sur une base aussi large, sur laquelle reposent en quelque sorte toutes les folies, une forme spéciale de maladie mentale, distincte de toutes les autres. Personne ne peut comprendre comment on a pu réunir sous ce nom générique des états aussi différents que ceux qu’y a réunis M. Morel : ils comprennent, en effet, toutes les variétés connues de la folie, depuis la folie des actes ou folie raisonnante (qui représente le trouble le moins prononcé de nos facultés et l’état le plus voisin de l’état normal) jusqu’à l’imbécillité et à l’idiotisme, qui en représentent précisément les degrés les plus éloignés. Nous pensons que la classe créée par Morel comprend des faits trop différents les uns des autres pour qu’ils puissent être conservés dans la même catégorie et qu’elle devra être divisée en plusieurs espèces tout à fait distinctes, que Morel commence déjà à laisser entrevoir. Nous croyons aussi qu’en partant du principe même adopté par Morel, on pourrait faire figurer dans la classe des folies héréditaires un grand nombre de faits placés par lui dans d’autres catégories, ou les en exclure à volonté, sans manquer au principe qui a servi de base à sa classification.

Mais, tout en faisant ces réserves importantes, tout en admettant, avec la plupart des personnes qui ont lu l’ouvrage de M. Morel, qu’il a plutôt ajouté un chapitre nouveau à l’histoire de l’hérédité dans la folie que créé une forme réellement distincte de maladie mentale, nous pensons néanmoins que, par cette création nouvelle