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Le premier phénomène est une coloration vive et comme érythémateuse de la face ; les yeux sont injectés, et le malade accuse une certaine pesanteur de tête, ordinairement sans céphalalgie.

Au bout de huit ou dix heures, éclate un accès d’épilepsie, avec perte complète de connaissance, convulsions cloniques, écume à la bouche, à la suite duquel le malade revient assez complètement à lui, en conservant toutefois pendant quelques heures un certain degré d’hébétude, bientôt suivi d’un état d’excitation progressive qui ne tarde pas à dégénérer en un accès de manie, remarquable par le degré d’exaltation et de fureur et par la multiplicité des hallucinations et illusions de l’ouïe, de la vue et de la sensibilité, qui l’accompagnent.

Le délire est général ; mais, en prêtant l’oreille aux divagations du malade, on ne tarde pas à reconnaître une prédominance d’idées de persécution.

M. L… parle le plus souvent de gens qui le poursuivent de leur inimitié, en voulant à ses jours ou exerçant sur lui des mutilations de toutes sortes. Je l’ai entendu une fois se plaindre d’avoir les parties coupées, et une autre fois prétendre qu’on y avait introduit du fil de fer. Le délire s’alimente d’ailleurs de tous les souvenirs de sa vie passée ; mais la confusion qui règne dans son esprit est telle, qu’il fait souvent intervenir dans des événements antérieurs à sa séquestration des personnes qu’il n’a connues que depuis, et qu’il soutient obstinément reconnaître.

Le malade croit voir dans de simples accidents de la matière sur les murs de sa cellule des caricatures politiques, dont il m’a présenté plusieurs fois l’explication dans de courts moments de rémission.

La durée de cet accès de délire varie entre huit et douze jours. Lorsqu’il cesse, L… redemande sa pipe, sollicite son retour au quartier des pensionnaires paisibles, et s’y montre dans un état de lucidité à peu près complète jusqu’à l’accès suivant. Je dis à peu près complète, car il m’est démontré que M. L… n’a conservé de ce qu’il a éprouvé qu’un souvenir confus.

Le caractère de M. L… est ordinairement bienveillant et susceptible de traits d’une véritable délicatesse, mais extrêmement sensible et irritable ; les facultés intellectuelles n’ont encore subi aucun affaiblissement.