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idées, ses paroles et ses actes, sont comme empreints de fatalité, et se reproduisent avec une surprenante uniformité à tous les accès.

Pendant ces paroxysmes, les épileptiques présentent la plupart des phénomènes psychiques qui caractérisent l’état maniaque en général. Leurs idées se succèdent avec une grande rapidité ; ils parlent sans cesse ; ils passent sans interruption par les séries d’idées et les émotions les plus variées, et leurs actes sont aussi désordonnés que leurs paroles. Un trait particulier de leur agitation, noté par tous les auteurs, consiste dans l’excessive violence de leurs actes, qui les porte à frapper et à briser, avec une sorte de rage, tous les objets qui les entourent, à mordre, à déchirer, à crier sans interruption, et à se frapper eux-mêmes, avec un véritable acharnement, la tête contre les murailles. Cet état d’agitation poussée jusqu’à la fureur est quelquefois porté si loin, que ces malades deviennent les plus dangereux de tous les aliénés, sont redoutés de tous dans les asiles, et ne peuvent être contenus et protégés qu’à l’aide des moyens restrictifs les plus énergiques, tels que la camisole ou le séjour prolongé dans une cellule.

Mais ce caractère d’extrême violence n’est pas le seul qui distingue la manie épileptique des autres états maniaques. Un fait également très remarquable, c’est la nature terrifiante des idées qui dominent ces maniaques, et la fréquence des hallucinations de même nature qui se produisent chez eux, hallucinations de l’ouïe, de l’odorat, et surtout de la vue. Ces malades ont des visions presque continuelles ; ils voient des objets effrayants, des spectres, des fantômes, des assassins, des hommes armés qui se précipitent sur eux pour les tuer ; ils aperçoivent sans cesse des objets lumineux, des flammes, des cercles de feu, et, chose digne de remarque, la couleur rouge, ou la vue du sang, prédominent fréquemment dans leurs visions.

Ces accès de manie présentent encore une autre particularité très importante à signaler. Malgré le désordre et la violence de leurs actes, les paroles prononcées par les maniaques épileptiques sont en général beaucoup moins incohérentes que celles de beaucoup d’autres aliénés. On est étonné, au milieu d’une si forte agitation, de pouvoir suivre assez facilement la série des idées exprimées par les malades. Leur délire est plus suivi et plus compréhensible qu’il ne l’est habituellement dans la manie. Ils comprennent mieux les ques-