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fureur contre la première personne qu’ils rencontrent, la frappent à coups redoublés, et font ensuite successivement plusieurs victimes, si d’autres personnes arrivent au secours de celle qui a été attaquée en premier lieu. Cette circonstance de frapper à coups redoublés et de faire plusieurs blessures, ou plusieurs victimes, mérite, selon nous, d’être remarquée ; elle nous paraît caractéristique de cet état de fureur épileptique, et peut avoir une véritable importance au point de vue de la médecine légale.

Aussitôt après l’accomplissement d’un acte violent, les épileptiques atteints du genre de délire que nous décrivons, peuvent se trouver dans deux situations mentales très différentes : ou bien l’acte accompli devient pour eux comme une sorte de soulagement ou de détente et fait cesser tout à coup l’anxiété indéfinissable et l’obtusion des idées qui existaient chez ces malades. Ils sont alors comme dégrisés instantanément ; ils recouvrent en partie la connaissance, et commencent à se rendre compte, quoique d’une manière très incomplète, de la gravité de leur acte ; ou bien, au contraire, ils continuent à courir devant eux dans un état de grande excitation et de trouble général, dans lequel ils n’ont qu’une conscience très imparfaite de l’action qu’ils viennent de commettre, ou même n’en conservent aucun souvenir. La confusion très grande des souvenirs, sinon l’oubli complet d’un grand nombre de faits, est donc, dans les deux cas, un symptôme presque constant de ce genre de délire.

Lorsque les malades reviennent à eux-mêmes, soit immédiatement après l’acte violent qui sert de crise à leur accès, soit au bout d’un certain temps, ils parviennent quelquefois, à force d’efforts, à retrouver dans leur mémoire plusieurs détails des faits qui se sont produits pendant leur accès, surtout ceux qui ont eu lieu dans les derniers moments ; mais il règne toujours à cet égard une grande confusion dans leurs souvenirs. Cette incertitude des souvenirs a souvent été regardée à tort comme simulée, mais elle est bien réelle et caractérise cette situation mentale d’une manière tout à fait spéciale. Les épileptiques sont alors dans un état comparable à celui dans lequel on se trouve en sortant d’un rêve pénible. Les principales circonstances de l’accès leur ont d’abord échappé ; ils commencent par nier les faits qui leur sont imputés, et ne paraissent en avoir conservé aucun souvenir ; puis, peu à peu, ils se rappellent