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les manifestations physiques et les manifestations psychiques de la maladie épileptique.

Petit mal intellectuel. — Les épileptiques, dont nous avons décrit rapidement l’état mental habituel dans l’intervalle des attaques, éprouvent de temps en temps des troubles intellectuels plus prononcés, qui tiennent le milieu entre les anomalies légères que nous venons d’énumérer et les accès de fureur maniaque dont nous parlerons tout à l’heure. Cet état mental, dont la durée varie de quelques heures à plusieurs jours, se produit sous forme d’accès. Il consiste principalement dans une grande confusion des idées, accompagnée le plus souvent d’impulsions instinctives instantanées et d’actes violents, état tout à fait spécial aux épileptiques, et intermédiaire entre la lucidité d’esprit des délires partiels et de trouble complet des délires généraux[1].

Les épileptiques atteints de cette forme particulière de délire commencent habituellement par devenir tristes et moroses sans motifs, puis tombent tout à coup dans un profond découragement, accompagné d’obtusion dans les idées et d’irritation contre tout ce qui les entoure ; ils se sentent alors comme étourdis, disent-ils. Ils ont une demi-conscience de l’état de vague dans lequel se trouve leur esprit, de l’affaiblissement de leur mémoire, de la difficulté qu’ils éprouvent à réunir leurs idées et à fixer leur attention, ainsi que des impulsions violentes qui surgissent en eux involontairement. La plupart d’entre eux ont de plus, dès le début de leurs accès, un sentiment profond de l’impuissance où ils se trouvent de résister à une force supérieure qui domine leur volonté et les pousse malgré eux à des actes violents. Ils expriment ce sentiment d’une manière différente, selon le degré de leur éducation ou selon leur position sociale ; mais, dans presque toutes les observations de ce genre, on retrouve des expressions analogues pour rendre compte de ce même sentiment intérieur. Ces malades disent, par exemple, qu’ils ne sont plus eux-mêmes, que le mal les pousse, qu’ils ont en eux un mauvais

  1. Il est important de faire remarquer que les malades observés dans cette situation mentale sont ordinairement jeunes (de 15 à 25 ans), soit parce que ce genre de délire se transforme avec l’âge en idiotisme, soit parce que des actes violents font enfermer de bonne heure ces épileptiques dans les maisons de détention, où ils échappent à l’observation médicale.