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concluraient tout différemment s’ils étaient plus souvent appelés à soigner des épileptiques dans la pratique civile.

Quoi qu’il en soit de cette question générale, qui ne peut être tranchée d’une manière absolue dans l’état actuel de la science, personne ne conteste aujourd’hui que les épileptiques ne présentent très fréquemment des altérations de l’esprit et du caractère, dans l’intervalle de leurs attaques, alors même qu’ils ne peuvent pas être considérés comme aliénés. Il importe donc de décrire rapidement les troubles habituels observés chez ces malades, avant de parler des accès de délire plus caractérisés, qui méritent spécialement le nom de folie épileptique.

L’irritabilité constitue le trait dominant du caractère habituel des épileptiques. Ces malades sont généralement soupçonneux, querelleurs, disposés à la colère et aux actes violents pour les plus légers motifs, souvent même sans motifs appréciables. Ces colères passagères, que tous les observateurs ont constatées chez les épileptiques, ne doivent pas être confondues avec les accès de fureur instinctive, également de courte durée, dont nous parlerons plus loin. Ces dispositions à la colère sont souvent remplacées chez eux par des dispositions précisément inverses, dont le contraste avec les précédentes est très important à signaler. Tous ceux qui ont vécu avec des épileptiques ont fait la remarque que ces malades sont ordinairement timides, craintifs, cauteleux, obséquieux jusqu’à la bassesse, caressants et complimenteurs. Ces tendances alternent fréquemment avec la tristesse, la morosité et le découragement, ou bien au contraire avec la malveillance, les récriminations violentes et injustes, et les emportements subits, portés quelquefois jusqu’à la violence, et cette alternative constitue le fond du caractère épileptique, ainsi que l’ont déjà signalé plusieurs auteurs, et en particulier le Dr Morel[1].

Ce que l’on doit surtout remarquer, selon nous, dans le caractère comme dans l’état intellectuel des épileptiques, c’est l’extrême variabilité de leur humeur ou de leurs dispositions mentales, selon les moments où on les observe. Tantôt en effet on les voit tristes, maussades, découragés, et comme sous le coup de la douleur ou de la

  1. Morel, Études cliniques (t. II, p. 305 et suiv. ; 1853) et Traité des maladies mentales (1860).