Page:Falret - Études cliniques sur les maladies mentales et nerveuses, 1890.djvu/34

Cette page a été validée par deux contributeurs.

§3. — Classifications nouvelles.

Après avoir signalé les lacunes que présente, selon nous, la classification actuelle des maladies mentales ; après avoir démontré qu’elle réunit dans les mêmes classes des états très différents au point de vue symptomatique, qu’elle ne tient aucun compte de la marche de ces affections et ne repose pas sur l’évolution prévue des maladies (véritable base des espèces naturelles) on nous demandera si nous avons quelque nouvelle classification à lui substituer ; si, après avoir démoli, nous avons la possibilité d’édifier ?

Nous n’avons pas la prétention d’ajouter une nouvelle nomenclature à la liste déjà si longue de celles qu’ont proposées la plupart des auteurs depuis l’antiquité jusqu’à nos jours, soit en France, soit à l’étranger. Mais nous avons pensé que ce n’était pas faire une œuvre stérile que d’indiquer les imperfections des méthodes existantes, et de chercher la voie dans laquelle on devrait s’engager pour découvrir des formes plus naturelles. Nous sentons trop bien les difficultés immenses que présente une pareille recherche pour oser les affronter. D’ailleurs, ce n’est pas là, selon nous, l’œuvre d’un seul homme, ni même d’une génération. Elle exige, pour être menée à bonne fin, le travail de plusieurs générations, avant qu’un homme de génie puisse tenter de réunir dans un seul ensemble harmonique ces divers éléments épars.

Le docteur Morel[1] a cependant abordé cette tache ardue. Quelque jugement que l’on porte sur le résultat définitif auquel il est arrivé, on doit le féliciter d’être entré résolument dans cette voie. On doit d’abord lui tenir compte, d’avoir cherché à démontrer que la manie, la mélancolie, la monomanie, la stupidité et la démence ne sont que des états, et non des formes véritables de maladies mentales ; on doit surtout lui savoir gré de s’être efforcé d’ouvrir de nouveaux horizons en dehors des idées généralement reçues, dans lesquelles la science actuelle se trouvait immobilisée, si l’on ne cherchait pas à l’engager dans de nouvelles directions. Il a posé un principe général qui nous paraît fécond en conséquences utiles, à savoir qu’il faut chercher à mettre la spécialité des symp-

  1. Morel, Traité des maladies mentales ; 1860.