Page:Falret - Études cliniques sur les maladies mentales et nerveuses, 1890.djvu/33

Cette page a été validée par deux contributeurs.

en réalité qu’une sorte de caput mortuum, où l’on relègue les faits que l’on n’a pu faire figurer dans les autres catégories. Le seul caractère commun qui sert à rapprocher artificiellement ces faits si dissemblables, c’est la débilité des facultés intellectuelles ; mais combien cette débilité diffère chez les aliénés affectés de délire partiel arrivés à la chronicité (que dans les asiles on est convenu de désigner sous la dénomination générique de déments, quoiqu’ils offrent encore une très grande activité intellectuelle) et chez les nombreux malades atteints de diverses affections cérébrales ! Ceux-ci présentent, en effet, une faiblesse si radicale de l’intelligence et des sentiments, et une telle incohérence du langage pour exprimer les idées peu nombreuses qui leur restent, que c’est à peine si l’on peut découvrir une pensée compréhensible au milieu de la ruine de toutes leurs facultés ! Lorsque la science sera plus avancée, lorsqu’on aura mieux étudié la marche et les terminaisons naturelles des diverses espèces de maladies mentales ; lorsqu’on aura vérifié, par une observation réitérée, combien ces terminaisons diffèrent les unes des autres dans leurs symptômes les plus essentiels ; lorsqu’on sera parvenu à se convaincre que, si certains aliénés perdent peu à peu l’activité de leur intelligence, à mesure qu’ils avancent vers la chronicité, et finissent par arriver à un affaiblissement intellectuel très prononcé, il en est beaucoup d’autres au contraire (surtout parmi les malades atteints de délire partiel) qui conservent pendant de longues années un délire systématisé presque stationnaire, délire qui, une fois stéréotypé, ne subit plus que de très légères et très lentes modifications ; lorsque l’on aura, dis-je, fait cette étude attentive des périodes chroniques de l’aliénation mentale, dans leurs rapports avec les périodes antérieures, on ne comprendra pas que l’on ait pu, pendant si longtemps, confondre sous une même dénomination, comme l’a fait Esquirol, des situations mentales aussi différentes. On ne comprendra pas que l’on ait pu décorer du même nom de démence, d’un côté, les états qui constituent la terminaison de la plupart des aliénations partielles, de l’autre, la suppression presque absolue de toute intelligence qui existe dans les affections cérébrales autres que la folie ; enfin, la débilité intellectuelle également bien différente que l’on observe dans diverses phases de la paralysie générale !