Page:Falret - Études cliniques sur les maladies mentales et nerveuses, 1890.djvu/32

Cette page a été validée par deux contributeurs.

en disant que le délire limité à un cercle restreint d’idées les différencie des maniaques, et que l’activité des facultés physiques et intellectuelles les distingue des mélancoliques. Mais combien ces distinctions vagues sont insuffisantes pour séparer, dans beaucoup de circonstances, les prétendus monomaniaques des mélancoliques avec activité intellectuelle dont nous parlions tout à l’heure, ou des maniaques à prédominances délirantes, dont nous avons parlé prédécemment. Le délire de persécution, par exemple, si fréquent chez les aliénés, doit-il être classé parmi les mélancolies ou parmi les monomanies ? L’état dit monomaniaque, qui caractérise la première période de beaucoup de paralysies générales (avec la multiplicité de ses idées délirantes contradictoires, la débilité et l’incohérence commençante de son délire) n’est-il pas beaucoup plus voisin de l’état maniaque que de la monomanie proprement dite ? Nous ne pouvons entrer ici dans les détails que comporterait l’examen des diverses catégories d’aliénation partielle expansive (ou plutôt sans tristesse) que l’on est convenu de réunir sous le nom vague de monomanie. Il faudrait pour cela passer en revue toutes les subdivisions que l’on a établies dans cette classe, en se basant, soit sur les facultés supposées lésées isolément (monomanies intellectuelles, affectives et instinctives), soit sur les principales idées dominantes (monomanies d’orgueil, érotiques, religieuses, démonomanies), soit sur les actes (monomanies homicides, du vol, incendiaires ou suicides). Il nous serait facile de montrer que tous ces prétendus monomanes, réunis artificiellement dans une même classe, par suite d’un seul caractère, diffèrent singulièrement les uns des autres, sous tous les autres rapports ; ils se trouvent ainsi fortuitement réunis, malgré les nombreuses dissemblances qu’ils présentent, et devraient être répartis dans des formes tout à fait différentes, si nous possédions réellement une classification naturelle des maladies mentales.

Démence. — Que dirons-nous de la dernière forme admise aujourd’hui dans la classification des maladies mentales, c’est-à-dire de la démence ? Quel sens précis peut-on attacher à ce mot dans l’état actuel de la science ? Chaque médecin lui donne une extension plus ou moins grande, selon ses habitudes intellectuelles, ou selon les exigences du moment ; mais rien n’est aussi flottant que les limites arbitraires de cette prétendue forme de maladie mentale ; elle n’est