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lait très faible. Ces liquides lui étaient introduits en petite quantité, après lui avoir ouvert la bouche, tantôt avec une certaine force, et étaient avalés par la malade à l’aide de mouvements de déglutition à peine sensibles, principalement par la projection de la langue en arrière. Si l’on voulait introduire d’autres aliments que ces liquides, par exemple de la soupe et du lait pur, la malade appliquait la langue contre ses dents, et le liquide introduit s’écoulait hors de la bouche. Si l’on insistait pour le faire pénétrer plus profondément dans la cavité buccale, il en résultait un accès de toux ou de vomissement. On essaya plusieurs liquides d’un goût agréable ; mais, à l’exception d’un peu de limonade qu’elle avala une fois, elle repoussait tout le reste, ce qui prouve que cette malade conservait la sensation du goût, et par conséquent un certain degré de conscience. L’eau et le café ne pouvaient pas être introduits à toute heure. En général, la malade n’était en état d’avaler que le matin et le soir.

Le 2 novembre, au soir, elle s’assit elle-même dans son lit, saisit un verre d’eau et le but. La quantité de café avalée par jour était de 6 à 10 onces ; la quantité d’eau, à peu près la même. L’urine expulsée s’élevait de 6 à 14 onces ; elle était foncée, limpide, avait une pesanteur spécifique de 1033, et laissait déposer lentement des cristaux d’acide urique. Les selles étaient à l’état normal. Dans les premiers temps, les évacuations alvines n’avaient pas lieu ; la menstruation avait cessé au mois d’août, et depuis ce temps n’avait pas reparu. Le poids total du corps de la malade était, au 30 octobre, de 55 livres.

Après avoir employé, dans les premiers jours, l’électricité à plusieurs reprises et sans succès, le 5, je fis mettre, pendant dix minutes, la malade dans un bain à 25° Réaumur ; une heure après la bain, elle devint livide, tout le corps se refroidit, et les extrémités inférieures étaient tendues et roides. On fut obligé d’appliquer autour d’elle des bouteilles d’eau chaude, et ce n’est que quarante-huit heures après, que la température du corps s’éleva de nouveau au degré où elle était avant le bain, et que disparurent la lividité du corps et la tension des muscles. Le refus de la malade d’avaler autre chose que de l’eau et du café m’empêcha d’introduire des médicaments par la bouche ; il me parut plus convenable d’avoir recours aux lavements.