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Histoire d’une catalepsie ayant duré pendant plusieurs mois,
par le professeur J. Skoda
[1].

Juliana Neuman, quinze ans, née en Hongrie, Israélite, avait été gâtée par ses parents, était capricieuse, volontaire et fière ; son occupation principale consistait dans la lecture des romans. Son père avait eu, pendant longtemps, un écoulement d’oreille et est mort avec des accès tétaniques, causés probablement par une carie du rocher. Sa mère et ses sœurs sont bien portantes ; sa mère et une sœur de son père sont atteintes de surdité. Chez elle-même, on observa, dès l’âge de cinq ans, une légère dureté de l’ouïe qui augmenta avec les années, malgré les moyens employés et sans aucun état maladif appréciable à l’extérieur. Conformément au pronostic d’un médecin, on s’attendait à une amélioration de l’ouïe, lors de l’apparition de la menstruation. Celle-ci parut, pour la première fois, en mars 1851, vers la quinzième année de la malade, et se montra ensuite régulièrement les mois suivants, mais la dureté de l’ouïe ne diminua pas.

La malade fut alors conduite à Vienne, au mois d’août 1851, et soumise au traitement magnétique du Dr Schoder, qui employa des insufflations dans l’oreille et des frictions sur les mâchoires et sur les tempes. Elle se soumit à ce traitement avec répugnance. Au bout de quelques jours, elle parut très triste ; ceux qui l’entouraient la crurent même aliénée, puisqu’à plusieurs reprises elle s’accusait de fautes qu’elle n’avait pas commises. À partir du 25 août, c’est-à-dire après un traitement de trois semaines, elle parut plongée dans une profonde mélancolie ou plutôt dans une sorte d’absence de conscience : elle restait immobile pendant des heures entières, ne prenait aucune nourriture, n’adressait la parole à personne, ne répondait à aucune question et passait les nuits sans sommeil. Transportée encore une fois malgré elle chez le Dr Schoder, elle répondit d’une manière compréhensible à ses questions. Il attribua sa conduite à la frayeur et à la nostalgie, et conseilla le retour à son pays natal.

Ce voyage fut entrepris le 3 septembre et dura deux jours, pendant lesquels la malade ne prononça aucune parole et resta dans

  1. Skoda, Zeitschrift der K. K. Gesellschaft der Aertzte zu Wien, 8e année, IIe vol. ; Vienne, 1852, p. 404.