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physiques, présentent, au moral, une extrême lenteur de toutes les conceptions, une absence presque complète d’idées, et une indifférence générale, qui peuvent être portées jusqu’à l’hébétude et aux divers degrés de la stupeur. Chez ces mélancoliques, qui sont beaucoup plus absorbés qu’attentifs, la circulation des idées est tellement ralentie, les impressions extérieures parviennent si difficilement jusqu’à leur intelligence, qu’on a pu, avec quelque apparence de raison, confondre, dans ses degrés extrêmes, cette mélancolie accompagnée de stupeur avec la stupidité véritable et l’idiotisme accidentel. On n’a pu, en effet, indiquer entre ces deux états qu’un seul caractère distinctif essentiel, tiré beaucoup plus des comptes rendus des convalescents que de l’observation directe pendant la maladie. On a dit que ces mélancoliques, plongés dans une stupeur voisine de la stupidité, étaient réellement sous le coup d’idées délirantes très pénibles, ou d’hallucinations terrifiantes, qui les immobilisaient ou les pétrifiaient en quelque sorte, et que le cours de leurs idées, quoique extrêmement ralenti, n’était pas absolument suspendu. Nous n’avons pas à aborder, en ce moment, cette discussion, secondaire à nos yeux, pour savoir si la stupidité et la mélancolie avec stupeur arrivée à son summum d’intensité, sont oui ou non un même état, ou deux états différents. Ce que nous voulons surtout faire remarquer ici, c’est qu’il existe une différence fondamentale entre ces variétés de la mélancolie, accompagnées d’un affaissement physique et moral qui peut aller jusqu’à la stupeur (mélancolie que nous désignerons par le terme générique de dépressive), et la plupart des autres mélancolies, avec prédominance d’idées de ruine, de persécution, de culpabilité, de crainte ou de défiance, que plusieurs auteurs, et en dernier lieu M. Baillarger, ont cru devoir séparer de la catégorie précédente (mélancolie générale), en leur réservant le nom de monomanies tristes.

Que voyons-nous, en effet, dans les cas si nombreux d’aliénation partielle, avec prédominance d’idées pénibles ? Nous voyons des aliénés doués d’une grande activité intellectuelle et physique, qui manifestent souvent de la violence dans leurs paroles et dans leurs actes ; ils se plaignent de tout et de tous ; ils se font les avocats convaincus et ardents de leur délire ; ils éprouvent le besoin invincible d’en communiquer les détails à ceux qui les entourent ;