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délire mélancolique, sont encore augmentés par le refus absolu des aliments qui oblige souvent à appliquer la sonde œsophagienne pendant plusieurs semaines ou pendant plusieurs mois. Quelques malades mêmes ne peuvent pas traverser cette période très grave de la maladie et meurent par suite du refus obstiné des aliments. Cependant, en général, après deux ou trois mois environ passés dans cet état de cachexie générale avec délire mélancolique et état subaigu de méningite chronique, ces paralytiques se relèvent progressivement ; ils reprennent peu à peu leurs forces et même leur embonpoint et tombent ordinairement ensuite dans un état de démence plus avancée que celle qui existait auparavant. Enfin, dans quelques cas rares, on a observé, à la suite de cet état physique et moral si grave, une période de rémission très prononcée, qui a pu simuler la guérison.

Pour terminer cette énumération rapide des principales variétés, aujourd’hui connues, de la paralysie générale, il faut encore dire un mot de celle à laquelle M. Baillarger a donné le nom de manie congestive. Certains malades, en effet, après avoir présenté pendant plusieurs mois les symptômes habituels de la forme commune ou expansive de la paralysie générale, avec état maniaque violent, délire de satisfaction et de grandeur, grand désordre des actes et embarras léger de la parole, arrivent peu à peu à un tel état de rémission ou d’amélioration et reprennent tellement les apparences de la raison, qu’ils semblent guéris de leur accès de manie et peuvent alors rentrer dans la famille ou dans la société, quelquefois même y reprendre la position qu’ils y occupaient auparavant. Depuis que M. Baillarger a attiré l’attention sur l’existence de ces faits cliniques, tous les médecins spécialistes ont pu en constater de semblables, et j’ai eu moi-même, encore tout récemment, l’occasion d’en observer un exemple très remarquable.

Dans ces cas, qui sont cliniquement incontestables, que penser de la nature de la maladie ? Sont-ce des exemples de manie congestive arrivée à la guérison, comme le pense M. Baillarger, ou bien ces faits ne représentent-ils qu’une première période de la forme maniaque ou expansive de la paralysie générale, suivie d’une longue période de rémission, simulant momentanément la guérison, mais devant se terminer fatalement, tôt ou tard, par le retour de la maladie primi-