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conceptions délirantes spéciales, que M. Baillarger a appelées hypocondriaques, et que l’on peut caractériser, d’une manière encore plus précise, en disant qu’elles sont relatives aux transformations de la personnalité. Ces malades s’imaginent, par exemple, qu’ils sont morts, ou bien qu’ils sont transformés dans leur personnalité tout entière, ou dans quelques-unes des parties de leur corps ; ils croient n’avoir plus de bouche, n’avoir plus d’intestins, avoir une tête de bois ou une mâchoire de fer, des membres de plomb, etc. Ce fait clinique très remarquable, constaté d’abord par M. Baillarger, a été vérifié depuis par d’autres observateurs, et est aujourd’hui parfaitement établi. Ce délire mélancolique spécial peut se produire à divers intervalles dans le cours de la paralysie générale ; il alterne même quelquefois, chez le même malade, d’une manière plus ou moins régulière, avec le délire de satisfaction ou de grandeur.

Enfin, un quatrième élément a encore été introduit dans l’histoire de la paralysie générale, depuis une vingtaine d’années, par M. Baillarger : c’est celui de la manie congestive. On peut résumer ainsi ce fait d’observation. Lorsque la paralysie générale se présente sous la forme maniaque, avec excitation violente, idées de grandeurs multiples et contradictoires, désordre excessif des actes et léger embarras de la parole, cet état peut recevoir le nom de manie congestive. Eh bien, il arrive assez souvent qu’après six ou huit mois de durée environ, cette excessive agitation s’apaise et fait place à un retour presque complet à la raison. Des malades qui ont présenté tous les signes caractéristiques de la première période de la paralysie générale, reconnaissent qu’ils ont été dans le délire, abandonnent leurs conceptions délirantes et reprennent presque toutes les apparences de la raison ; la plupart d’entre eux restent, il est vrai, très abaissés intellectuellement, malgré la cessation du délire actif, mais quelques-uns peuvent reprendre en grande partie l’activité de leurs facultés intellectuelles.

C’est dans ces cas que M. Baillarger a admis la possibilité de la guérison de la paralysie générale. Il a été ainsi amené à diviser tous les cas de paralysie générale progressive en deux grandes catégories : l’une, la manie congestive susceptible de guérison, quoique se terminant souvent par la paralysie générale, et l’autre, la démence