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l’albumine dans les urines se rencontrait dans un grand nombre d’autres affections. Mais en retirant ainsi à ces symptômes leur valeur pathognomonique, on ne leur a pas enlevé l’importance réelle qu’ils possèdent, soit comme signes diagnostiques et pronostiques, soit comme symptômes essentiels servant à caractériser l’individualité morbide. Il en sera de même de l’état maniaque avec prédominance d’idées de grandeur, qui restera toujours un signe important pour diagnostiquer la paralysie générale, pour la constituer à l’état de forme distincte parmi les maladies mentales et pour pronostiquer la production de ses périodes ultérieures.

En examinant ainsi isolément chacun des symptômes essentiels des maladies, en se demandant s’ils sont constants dans cette affection et s’ils n’existent pas dans des maladies différentes, on fragmenterait toute la pathologie, et l’on détruirait une à une toutes les maladies, même les plus solidement établies. Il n’en est pas une seule qui puisse résister à cette méthode dissolvante qui réduirait la pathologie à l’étude des symptômes et des faits particuliers et s’opposerait à toute généralisation. Ce serait faire de la séméiologie et non de la nosologie. Il ne faut jamais perdre de vue qu’une espèce pathologique ne doit pas être basée sur un seul signe, quelque important qu’il soit, mais sur l’ensemble des symptômes et sur leur mode particulier de succession. La paralysie générale des aliénés ne doit donc reposer, comme maladie distincte, ni exclusivement sur les caractères spéciaux de la paralysie, ni sur les caractères spéciaux du délire. Elle ne peut exister, à l’état d’espèce nosologique, qu’à la condition d’être basée, comme l’a dit parfaitement Parchappe, sur des symptômes physiques, sur des symptômes intellectuels et sur une marche spéciale. C’est pourquoi nous avons cru nécessaire d’ajouter à l’exposé dogmatique de ces caractères communs, si bien présenté par Parchappe, l’examen critique des objections principales qu’on peut opposer à cette manière de voir. Nous avons voulu prouver que, s’il existait parmi les faits groupés aujourd’hui sous le nom de paralysie générale des aliénés, sous le rapport des symptômes et de la marche, des différences assez importantes pour justifier la création de variétés particulières, ces différences n’étaient pas cependant assez essentielles pour porter atteinte à l’unité de la maladie.