Page:Falret - Études cliniques sur les maladies mentales et nerveuses, 1890.djvu/272

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toutes les objections, a des réponses pour les difficultés qu’on peut lui opposer, reste conséquent dans ses actes et dans son maintien avec l’esprit de son rôle imaginaire, l’aliéné paralytique au contraire, ne donne que des explications très incomplètes sur l’origine de ses titres ou de ses dignités ; il en fournit de différentes selon les moments ; il n’est conséquent avec lui-même, ni dans ses idées ni dans ses actes ; il raconte parallèlement sa vie réelle et sa vie imaginaire, sans en sentir la contradiction ; il croit posséder en même temps, ou l’un après l’autre, plusieurs titres ou plusieurs dignités qui s’excluent ou sont incompatibles. En un mot, tout est contradictoire, non motivé, ou mal coordonné dans le délire des grandeurs du paralytique, tandis que le délire d’orgueil des autres aliénés est, au contraire, parfaitement systématisé. Les caractères spéciaux du délire des grandeurs des paralytiques, qui appartiennent également à toutes leurs conceptions délirantes, ont, selon nous, une grande importance pour caractériser cette affection et pour la constituer plus solidement comme espèce nosologique. En tenant compte de ces caractères, on diminue déjà beaucoup le nombre des cas d’aliénation dans lesquels on peut constater ce délire spécial de la paralysie des aliénés. Mais on prétend que l’on rencontre des maniaques qui présentent ces caractères, et qui cependant ne deviennent pas nécessairement paralytiques.

On m’accordera du moins que ces faits sont peu fréquents : que, dans l’immense majorité des cas, sinon dans tous, ce délire spécial est propre à la paralysie des aliénés et est suivi de ses périodes ultérieures. On m’accordera également que, dans la plupart des cas de prétendue guérison à la suite d’un pareil état, la maladie ne tarde pas à reparaître avec tous ses symptômes essentiels et que, par conséquent, ce n’est que la continuation de la même affection après une suspension momentanée.

Nous ne discutons donc que pour quelques faits exceptionnels, sur lesquels l’observation ultérieure pourra seule nous éclairer d’une manière définitive. Je n’ai pas l’intention de contester ces faits d’une manière absolue, d’autant plus que j’ai observé quelques cas de ce genre où le diagnostic m’a paru difficile et en particulier des périodes d’exaltation de la folie circulaire (ou folie à double forme) dans lesquelles les malades offrent quelquefois un délire des grandeurs