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minée par la mort. Il en est de cette affection comme de la phtisie pulmonaire et du cancer. On peut bien citer un certain nombre de cas de guérison d’une authenticité plus ou moins contestable, dont quelques-uns cependant ne peuvent être révoqués en doute, mais ces faits exceptionnels ne sont, ni assez nombreux, ni assez concluants, pour détruire dans l’esprit des médecins l’opinion que ces maladies sont réellement incurables, dans l’état actuel de la science.

Pour prouver, dans quelques cas rares, la possibilité de la guérison, on nous cite des exemples de manie avec idées de grandeur et symptômes légers de paralysie générale, qui auraient été suivis d’une suspension complète pendant plusieurs années. On ajoute alors que, si la maladie se reproduit après un si long temps, on doit considérer son retour comme une rechute et non comme la suite de l’évolution naturelle d’une même maladie. À cela je réponds d’abord par la comparaison avec la phtisie. Dira-t-on que la phtisie est curable parce qu’après une première atteinte de tous les symptômes caractéristiques de cette affection, un malade restera pendant plusieurs années sans les éprouver de nouveau ? Si ces symptômes se reproduisent après un si long espace de temps, dira-t-on que le malade était guéri et qu’il éprouve une simple rechute du même mal, ou bien que la maladie reprend son cours longtemps interrompu ? On pourrait croire à une rechute accidentelle s’il s’agissait d’une affection aiguë, ordinairement de courte durée, comme la pneumonie par exemple, qui guérit souvent dans un temps déterminé et qui ne se reproduit pas nécessairement pendant la vie d’un même individu. Mais peut-on le dire de la phtisie dont l’essence est de reparaître fatalement lorsqu’elle s’est une fois manifestée, qui le plus souvent ne se suspend que momentanément d’une manière incomplète, et qui dans les cas rares où elle semble longtemps suspendue, doit être considérée comme existant toujours à l’état latent ? Ici, comme en toutes choses, les faits généraux doivent dominer les faits exceptionnels. Dans la phtisie, comme dans la paralysie générale, la marche continue étant la règle, les suspensions plus ou moins prolongées, lorsqu’elles se produisent, doivent être éclairées par la comparaison, avec les faits intermédiaires, dans lesquels on constate des rémissions de plus en plus notables et prolongées. Dans ces cas, on doit donc admettre la continuité de la maladie, malgré la suspen-