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changement de lieu ou d’un voyage, on voit le malade revenir à la santé, la caverne dont on avait constaté l’existence par l’auscultation se cicatrise, petit à petit ; il ne se produit pas de nouvelle évolution tuberculeuse dans d’autres parties du poumon ; le malade recouvre les apparences de la santé. Sa respiration devient plus facile, il cesse de tousser et de cracher, il reprend de l’embonpoint : on le croit guéri ! N’en est-il pas de même de l’aliéné paralytique qui, après un accès maniaque caractéristique avec symptômes de paralysie, agitation violente et prédominance d’idées de grandeur multiples, gigantesques, absurdes et contradictoires se calme peu à peu, revient progressivement à la raison (comme cela arrive plus souvent qu’on ne le croit aujourd’hui), reconnaît l’absurdité des idées qu’il a émises, s’étonne même d’avoir pu y ajouter foi, est en un mot dans un état de rémission tellement notable qu’elle peut simuler la guérison ? Dans ces cas, le malade est, il est vrai, plus faible d’intelligence qu’avant son accès ; son intelligence a ordinairement baissé de niveau quand on le compare à lui-même et à ce qu’il était avant sa maladie. Il lui reste aussi par moments un peu d’embarras dans la parole et de tremblement dans les membres ; mais ces symptômes sont si peu marqués et si fugitifs, qu’ils peuvent passer inaperçus ; quelquefois même ils n’existent pas réellement et le malade paraît avoir repris possession de toutes ses facultés. Mais chez le phtisique aussi bien que chez l’aliéné paralytique, quel est le médecin expérimenté qui partagera dans ces cas les illusions du public ? On sait en effet par expérience qu’il est dans l’essence de ces deux maladies de se reproduire tôt ou tard et en général au bout de peu de temps. Dans la phtisie, on redoute avec raison une nouvelle évolution tuberculeuse dans d’autres points du poumon, qui donnera naissance aux mêmes symptômes et sera suivie de plusieurs autres jusqu’à la mort. De même, dans la paralysie générale, l’expérience des cas analogues doit faire redouter de nouvelles congestions cérébrales, de nouvelles poussées sanguines à la surface du cerveau, qui détermineront les mêmes accidents physiques et moraux que lors de la première atteinte du mal. Mais, ajoutera-t-on, certains phtisiques peuvent guérir ; des médecins distingués ont publié des observations de guérison. Pourquoi contester, d’une manière absolue, tous ces faits et vouer fatalement à la mort, sans la moindre chance de