Page:Falret - Études cliniques sur les maladies mentales et nerveuses, 1890.djvu/264

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des rémissions si notables et si prolongées qu’elles simulent des guérisons véritables ? Ne voit-on pas quelquefois les symptômes de la paralysie, très marqués chez certains malades, pendant toute la durée de leur maladie, être à peine sensibles chez d’autres, pendant la plus grande partie de l’affection, et se suspendre même pendant longtemps au point de laisser dans le doute l’observateur le plus exercé sur l’existence réelle de la maladie ?

Ne voit-on pas, dans certains cas, le trouble des facultés intellectuelles consister dans un simple affaiblissement des facultés, sans délire bien caractérisé, en un mot, dans un simple état de démence (que certains auteurs hésitent à décorer du nom de folie), tandis que, dans d’autres cas, les conceptions délirantes les plus multipliées, les plus bizarres et les plus absurdes se succèdent et se remplacent sans interruption pendant toute l’évolution de la maladie ? Enfin le délire de satisfaction, de richesse et de grandeur, si caractéristique de cette affection, ne manque-t-il pas chez un certain nombre de paralytiques, pendant tout le cours de leur affection et n’est-il pas remplacé chez d’autres par un délire de nature triste ou hypocondriaque qui semblerait à première vue devoir faire exclure ces faits du cadre de cette affection ? En un mot, soit qu’on envisage les symptômes physiques, les symptômes intellectuels ou la marche, on trouve entre les divers malades atteints de paralysie générale de telles différences qu’on serait tenté de déclarer ces diversités de marche et de symptômes trop prononcées pour permettre de ranger ces faits, en apparence si disparates, dans le cadre d’une seule et même maladie. Mais en les étudiant de plus près, en tenant compte surtout de l’ensemble des faits, au lieu d’appesantir son attention sur chacun des symptômes isolément, en ayant le soin de suivre les malades pendant toute l’évolution de leur mal au lieu de ne les étudier qu’à un moment donné, on ne tarde pas à s’apercevoir qu’il en est de ces variétés de marche comme des variétés de début dont nous parlions tout à l’heure ; que, très distinctes en apparence, elles se confondent à chaque instant et envahissent constamment l’une sur l’autre, au point de rendre impossible toute distinction fondamentale entre elles. Tel malade qu’on a déclaré d’abord atteint de démence simple, sans délire prédominant, offre tout à coup, soit des conceptions délirantes multiples, soit un paroxysme d’excitation