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lésions de l’intelligence, et dans lesquelles le trouble des mouvements peut rester pendant longtemps inappréciable ou inaperçu.

La première de ces variétés est la variété mélancolique. Lorsqu’on remonte avec soin dans les antécédents des aliénés paralytiques observés dans les asiles, on découvre assez souvent que la maladie a débuté par un stade mélancolique quelquefois court, d’autre fois plus prolongé. À cette période, les malades sont dans un état d’affaissement physique et moral des plus prononcés, ils éprouvent une fatigue musculaire excessive qui les porte à rester immobiles ou même à garder le lit ; ils se sentent incapables de marcher, de se mouvoir et de se décider à un acte quelconque, ils sont dans un véritable anéantissement moral et physique, dont ils ont conscience et dont ils s’affligent profondément ; ils ont une tendance hypocondriaque des plus marquées, se croient atteints d’une maladie grave, disent qu’ils vont mourir, ont même quelquefois des conceptions délirantes de nature triste mieux caractérisées ; ils se croient incapables de tout, s’accusent, se croient coupables, en un mot ils ont toutes les apparences de la mélancolie hypocondriaque.

On parvient quelquefois à constater chez eux, dès cette époque, des troubles légers de la motilité, soit un embarras de la parole parfois assez prononcé, soit de la faiblesse ou du tremblement dans les membres. Mais ces symptômes physiques passent presque toujours inaperçus et l’état de mélancolie fixe seul l’attention. Dans tous les auteurs qui ont écrit sur la paralysie générale, on trouve des exemples de ce genre signalés parmi les prodromes de cette affection et nous l’avons nous-même constaté fréquemment. Ce stade mélancolique peut être court, mais quelquefois il se prolonge assez longtemps. Dans tous les cas il disparaît peu à peu, pour faire place à un retour à peu près complet à l’état antérieur.

Ordinairement cependant, dès que la faiblesse physique et la tristesse morale ont cessé, l’observateur attentif commence à s’apercevoir que le malade passe graduellement à un état opposé. Il éprouve un sentiment de bien-être exagéré ; il ne s’est jamais si bien porté, dit-il, au physique et au moral ; il a une grande activité, un besoin de mouvement incessant ; il conçoit des projets variés et entreprend des choses qu’il n’eût jamais songé à réaliser autrefois. Les projets n’ont encore rien d’absurde, sont encore en rapport,