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avec eux et qui peuvent donner à cet égard les renseignements les plus positifs. Ces malades sont différents de ce qu’ils étaient autrefois, sous le rapport de l’intelligence, de la sensibilité et de la volonté. Leur énergie a baissé au moral comme au physique, ils ont des absences, commettent des fautes graves dans les travaux auxquels ils étaient le plus habitués ; souvent ils accusent eux-mêmes l’affaiblissement de leur mémoire et de toutes leurs facultés, ils oublient les faits les plus récents, alors même qu’ils conservent le souvenir des faits anciens. En un mot il est facile de découvrir chez eux des signes de démence commençante.

Leur caractère est altéré aussi bien que leur intelligence, ils s’émeuvent jusqu’aux larmes pour le motif le plus futile comme les vieillards et les malades atteints d’hémorragie cérébrale ou de ramollissement du cerveau ; ils se livrent à des emportements qui ne leur étaient pas habituels autrefois, deviennent irritables, difficiles à vivre, et, malgré leur douceur habituelle, ils sont susceptibles de s’abandonner tout à coup à des actes de violence. La volonté est affaiblie chez eux, comme l’intelligence. Ils sont indécis, craintifs, pusillanimes et se laissent conduire comme des enfants. En résumé, ils ont baissé au moral comme au physique et cet affaiblissement général des facultés présage l’apparition ultérieure d’un délire plus étendu. Quelquefois même dès cette période ils se livrent à des actes bizarres et désordonnés qui attirent l’attention des personnes qui les entourent, ou même ils expriment de temps en temps des idées singulières qui étonnent ceux qui les considèrent encore comme raisonnables, idées qui ne peuvent s’expliquer que par le délire et qui permettent de prévoir l’apparition prochaine d’un trouble plus complet de l’intelligence. Quelquefois dès cette période les malades commencent à révéler par l’expression de leur physionomie un sentiment général de satisfaction, ils présentent alors le contraste frappant d’une disposition hypocondriaque très prononcée coïncidant avec une conscience déjà moins exacte de leur situation et une tendance manifeste au contentement d’eux-mêmes, prélude assuré d’un délire d’orgueil qui prendra bientôt des proportions plus étendues.

Dans quelques cas rares, cet état physique et moral peut se perpétuer pendant longtemps, quelquefois même pendant plusieurs