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mais il se produit toujours tôt ou tard, et par conséquent il est très important pour distinguer cette affection, soit dans le moment même, soit a posteriori, de toutes les maladies analogues. S’il fait défaut, dans certains cas, à la première période, ce n’est pas, selon moi, une raison suffisante pour exclure ces faits du cadre de cette affection, quoiqu’ils soient privés pendant longtemps d’un de ses caractères les plus importants ; car, encore une fois, les cas d’absence complète de délire sont rares ; de plus, dans beaucoup de ceux qu’on représente comme exempts de délire, il est possible, à l’aide d’une étude attentive, de constater des traces évidentes de débilité intellectuelle, ou même un trouble commençant des facultés, qui permettent de pronostiquer l’apparition prochaine d’un délire plus étendu.

Paralysie générale dite sans délire. — Ces malades se présentent à l’observation sous un aspect à peu près identique. Ils éprouvent un embarras de parole et un tremblement des membres assez marqué pour n’être méconnu par personne. Ils se plaignent ordinairement de douleurs de tête et d’étourdissements, présentent assez fréquemment une inégale dilatation des pupilles, laissent facilement tomber les objets qu’ils tiennent à la main, ont la marche mal assurée, et trébuchent de temps en temps contre le moindre obstacle qui se présente sous leurs pas. Ils ont habituellement une conscience assez complète de leur état et de la gêne qu’ils éprouvent pour parler et pour se mouvoir ; en général, ils s’en affligent, d’autant plus que ce léger degré de paralysie suffit souvent pour les empêcher d’exercer leur profession. Ils racontent avec complaisance au médecin les divers détails de leur affection et toutes les circonstances qui ont pu contribuer à la produire. Le médecin qui les interroge une seule fois peut très bien les considérer comme jouissant de la plénitude de leurs facultés intellectuelles ; il en est quelques-uns même chez lesquels il est impossible de découvrir, à cette période, la moindre lésion des facultés. Mais, dans les cas où le délire n’est pas très caractérisé, il est facile en général de trouver des preuves évidentes d’affaiblissement ou même de perturbation dans l’intelligence. Les malades ne sont plus ce qu’ils étaient autrefois sous le rapport de l’intelligence, de la sensibilité et de la volonté ; ils ont perdu de leur énergie au moral