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ses détails l’évolution de cette maladie, qui est tout à la fois progressive dans son ensemble et très accidentée dans ses diverses phases. Rien n’est plus mobile, en effet, dans le degré et le mode d’apparition des symptômes, que la marche de cette affection, qu’on s’est plu à représenter comme constamment et régulièrement progressive. Sans doute, envisagée dans sa totalité, cette maladie s’aggrave d’une manière continue jusqu’à la mort : au moral, depuis le degré le plus faible et le moins sensible de la débilité jusqu’à l’anéantissement complet des facultés intellectuelles et affectives ; au physique, depuis le simple tremblement des membres et l’embarras léger de la parole jusqu’à la paralysie de plus en plus prononcée, qui, sans être jamais complète, arrive cependant au point de forcer les malades à garder le lit. Mais combien sont variables les phases par lesquelles passent les malades avant d’arriver à cette terminaison fatale de leur affection, dont la durée peut être fixée en moyenne à trois ou quatre ans, mais qui peut cependant se prolonger plus longtemps. Cette maladie éprouve donc de fréquentes oscillations dans son cours, des périodes d’accroissement et de diminution dans tous ses symptômes ; elle reste souvent stationnaire pendant longtemps, pour s’aggraver tout à coup d’une manière notable, rétrograder ensuite ou même se suspendre, éprouver des rémissions très prononcées, souvent très longues, et reprendre enfin tout à coup, avec une extrême rapidité, son cours fatal vers une terminaison funeste. Ces irrégularités très grandes dans la marche d’une maladie néanmoins progressive dans son ensemble me paraissent un caractère important de cette affection ; ajouté à ceux que nous avons indiqués précédemment, il peut servir à la distinguer, dans les cas difficiles, de toutes celles avec lesquelles on pourrait la confondre.

Reste maintenant, comme dernier caractère distinctif, le délire, je dirai même plus, la spécialité du délire. Sans doute, ce symptôme peut manquer, quelquefois même pendant plusieurs années. C’est sur ces cas exceptionnels, où la paralysie générale, avec tous ses symptômes habituels, existe pendant longtemps sans délire, que repose la discussion. Mais, malgré ces faits exceptionnels, qui mériteraient un examen particulier, il n’en est pas moins vrai qu’aux yeux de tous, le trouble des facultés intellectuelles est un signe essentiel de cette maladie. Il peut manquer quelquefois au début,