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souvent de nature triste, au milieu d’un état d’excitation simulant la manie véritable. De même, dans d’autres circonstances, on observe, au milieu d’une agitation également maniaque, les prédominances d’idées de grandeur ou de satisfaction mal coordonnées et contradictoires, qui caractérisent essentiellement la paralysie générale, et non la manie simple et sans complication. Voilà donc des états qui ont, à première vue, les caractères extérieurs de la manie et qui ne sont au fond que des aliénations partielles, avec des prédominances de délire bien déterminées, dans un moment de paroxysme qui leur donne les apparences du délire général.

À ces états mixtes si fréquents, il faut encore ajouter des états précisément inverses, dans lesquels on observe un trouble général de l’intelligence et une confusion extrême des idées, alliés au calme des mouvements et aux apparences de raison qui ne semblent conciliables qu’avec les délires partiels. Ces états qui, sous certains rapports, participent des caractères des délires généraux, et qui, par certains autres côtés, se rapprochent des délires partiels, établissent entre les deux classes, supposées si distinctes de la classification actuelle, des analogies tellement nombreuses, que, dans beaucoup de circonstances, toute ligne de démarcation sérieuse devient impossible entre les délires généraux et les délires partiels. On est alors obligé, pour rentrer dans la vérité de l’observation, d’employer les expressions hybrides et contradictoires, de mélancolies maniaques ou de manies mélancoliques, auxquelles certains auteurs ont eu recours pour dénommer ces états intermédiaires si fréquents dans la pratique, expressions qui, passées dans l’usage, seraient la condamnation la plus éclatante de la classification régnante.

Que dira-t-on maintenant si, à ces rapprochements déjà nombreux qu’établissent les faits intermédiaires, au point de vue symptomatique, entre les aliénations générales et les aliénations partielles, nous ajoutons que ces deux prétendues formes de maladies mentales ne présentent pas seulement, sous le rapport de leurs symptômes, de grandes analogies, mais qu’elles peuvent alterner chez le même malade à divers intervalles, comme cela a lieu si fréquemment, ou même qu’elles peuvent se transformer l’une dans l’autre d’une manière régulière, comme on l’observe dans la forme de maladie