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organiques du cerveau ou de la moelle ; partant de cette fausse donnée, on n’hésite pas à comparer à cet état des paralysies beaucoup plus complètes et beaucoup plus prononcées. Or, on ne saurait trop le répéter, la paralysie des aliénés n’est pas, à proprement parler, une véritable paralysie. Comme le Dr Lasègue l’a parfaitement établi[1] et comme l’ont fait aussi les premiers auteurs qui ont écrit sur cette matière, cette maladie consiste plutôt dans une irrégularité de la contraction musculaire, dans une sorte de tremblement ou d’état spasmodique qui donne aux mouvements un caractère brusque, saccadé et imprécis, que dans un véritable affaiblissement prononcé de la motilité ; c’est seulement à la dernière période de cette affection que les malades sont obligés de garder le lit, et encore peuvent-ils toujours mouvoir leurs membres jusqu’à la mort. D’ailleurs, jamais l’amaigrissement musculaire, alors même qu’ils sont dans le marasme, n’est porté au point de pouvoir être qualifié d’atrophie. On oublie trop que la paralysie des aliénés constitue réellement un type distinct dans la pathologie, parce qu’elle repose, comme unité morbide d’une part sur les caractères spéciaux de la paralysie, et d’autre part sur un ensemble de signes tirés des lésions anatomiques, de la nature spéciale du délire, et d’une marche particulière.

Or les caractères spéciaux de cette paralysie peuvent se résumer ainsi : elle est incomplète, c’est-à-dire qu’elle consiste en un léger affaiblissement de la motilité, qui, dans aucun cas, ne peut être porté jusqu’à l’impossibilité de se mouvoir ; elle est générale, c’est-à-dire qu’elle affecte à la fois et dès le début toutes les parties du système musculaire sans prédominer dans aucune d’une manière très prononcée ; elle est progressive, c’est-à-dire qu’elle augmente très lentement en intensité, mais qu’elle ne progresse pas en étendue ; enfin elle est, dès son début, accompagnée d’embarras de la parole. Si l’on joint à ces signes, puisés dans la nature particulière de la paralysie, ceux que fournissent les autres symptômes de la maladie et les lésions constatées à l’autopsie, on a tous les éléments pour établir un type réellement distinct et bien déterminé ; il devient alors possible de le distinguer, dans le plus grand nombre des cas, de tous

  1. Lasègue, De la Paralysie générale progressive ; thèse pour l’agrégation, 1853.