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trouble de l’intelligence qui échappe à un examen rapide devient manifeste pour un observateur exercé. D’ailleurs, telle n’est pas, selon nous, la principale question que soulève actuellement l’étude de la paralysie générale progressive. L’important n’est pas de savoir si toutes les paralysies générales se terminent oui ou non par l’aliénation, mais de déterminer si l’on ne réunit pas sous un même nom des faits de divers ordres qu’il faudrait d’abord répartir dans les différentes espèces morbides auxquelles ils appartiennent, avant de se livrer à des considérations générales sur un type artificiel ; or telle est, selon nous, la cause principale de dissidences nombreuses dont nous sommes chaque jour les témoins. Il est impossible, ce nous semble, de parcourir attentivement les observations, peu nombreuses il est vrai, publiées jusqu’à ce jour par divers auteurs, sans être frappé des différences capitales que présentent entre elles, non-seulement les observations de deux auteurs différents, mais celles d’un même auteur. Il suffit qu’un malade offre un affaiblissement plus ou moins général et plus ou moins complet des mouvements, accompagné d’embarras de la parole, pour qu’on le fasse rentrer dans le cadre de la paralysie générale progressive. Que la maladie ait une date ancienne ou récente, qu’elle soit ou non accompagnée de délire, que le début ait été lent ou subit, qu’il y ait ou non prédominance de la paralysie d’un côté du corps, que la paralysie soit légère ou presque complète, enfin, qu’elle ait commencé par être partielle ou qu’elle ait été générale dès le début ; dans tous ces cas, pourvu qu’elle consiste dans un affaiblissement général des mouvements, on la range dans la même espèce nosologique.

On paraît oublier complètement que procéder ainsi c’est faire l’étude d’un symptôme et non celle d’une maladie ; c’est agir comme si l’on faisait l’histoire de l’hémiplégie au lieu de la rapporter aux maladies diverses qui lui donnent naissance ; c’est imiter les anciens, qui traitaient de la dyspnée ou de la fièvre, au lieu de s’occuper des maladies qui tiennent ces deux phénomènes sous leur dépendance.

Que résulte-t-il de cette direction de la science dans la question qui nous occupe ? Il en résulte la plus grande confusion dans les mots et dans les idées. Très souvent on désigne les mêmes faits sous des dénominations différentes, et plus souvent encore on réunit sous le même nom les faits les plus dissemblables.