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présentent une simple exaltation de toutes les facultés, sans trouble véritable dans les idées, qui ont même une activité intellectuelle plus grande qu’à l’état physiologique, avec les autres maniaques, dont les idées ne se succèdent plus d’après les lois de l’état normal, et qui présentent un trouble si étendu et si général des idées, qu’ils sont l’emblème du désordre et du chaos ?

Cette différence symptomatique entre les deux états est d’autant plus importante à signaler, que ces deux variétés si distinctes de la manie paraissent survenir dans des conditions de marche et de durée tout à fait différentes. On voit, en effet, le plus souvent l’état que nous venons de décrire sous le nom d’exaltation maniaque, tantôt se produire d’une manière intermittente, sous forme d’accès, tantôt alterner avec la dépression mélancolique, comme période de la folie circulaire ou à double forme. C’est ainsi qu’à une différence fondamentale puisée dans les caractères symptomatiques des deux états, correspond une différence aussi essentielle dans leur marche, qui augmente encore l’importance de cette distinction.

Il est une autre catégorie d’aliénés, classés aujourd’hui parmi les maniaques, et qui diffèrent singulièrement aussi, sous le rapport de leur situation mentale intérieure, de ceux que l’on est convenu de prendre pour types de la manie ordinaire. Ces malades ont les mêmes manifestations extérieures que les maniaques proprement dits : ils sont agités dans leurs mouvements et violents dans leurs actes ; ils parlent à haute voix, ils crient et se livrent aux actions les plus désordonnées, qui obligent à les traiter dans les asiles comme les maniaques les plus incohérents. Mais si l’on ne s’arrête pas à l’observation superficielle de ces caractères extérieurs ; si l’on étudie attentivement le sens des paroles qu’ils prononcent, et les idées ou les sentiments qui les dominent, on ne tarde pas à s’apercevoir que ces prétendus maniaques sont en réalité dominés par des séries d’idées prédominantes, qui roulent dans un cercle très restreint. Ce sont bien plutôt des aliénés partiels, dans un moment de paroxysme, que des maniaques proprement dits, présentant cette succession rapide et irrégulière d’idées fragmentées et incomplètes qui est, en somme, plus encore que l’agitation des mouvements, le caractère essentiel de l’état maniaque. On constate alors, chez ces aliénés, par une observation attentive, des idées prédominantes,