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XeObservation : Paralysie alcoolique avec obtusion très prononcée des facultés intellectuelles, illusions et hallucinations de la vue ; guérison des symptômes physiques, amélioration très grande de l’état de l’intelligence.

M. L…, âgé de trente-deux ans, propriétaire, après avoir fait depuis longtemps de nombreux excès de boisson, et avoir déjà éprouvé plusieurs accès de delirium tremens, fut atteint, dans le mois de juillet 1852, d’un nouvel accès qui débuta par de l’agitation, de la violence et de nombreuses illusions et hallucinations, principalement de la vue. Appelé à l’observer au déclin de l’accès, à la période de stupeur, je constatai les faits suivants : sa physionomie exprimait l’étonnement, l’hébétude : il avait le regard fixe et hagard, n’était pas agité, se tenait convenablement et présentait, à première vue, les apparences de la raison, mais il avait un grand besoin de mouvement et ne pouvait rester un moment en place. Il se laissait facilement entraîner par le bras où l’on voulait, mais il éprouvait le besoin de marcher, et il forçait même à marcher vite pour le suivre. Il était d’ailleurs constamment disposé à quitter le bras qu’on lui offrait pour se retourner brusquement et marcher dans une autre direction. Il ne semblait faire attention, ni à ceux qui l’entouraient, ni à ce qu’on lui disait. Son intelligence était évidemment affaiblie, ainsi que sa mémoire ; cependant, on parvenait quelquefois à le faire répondre assez bien à certaines questions, et même à lui faire donner quelques renseignements sur ses antécédents et sur ses habitudes d’ivresse ; mais un instant après, il exprimait quelques idées délirantes sans suite et difficiles à saisir, et ne semblait, ni comprendre ni même entendre plusieurs questions qu’on lui adressait. Il était comme absent et absorbé ; il paraissait constamment inquiet, disait à chaque instant que quelqu’un l’attendait, que sa femme était là ; qu’il devait nous quitter pour aller la rejoindre, et au milieu de réponses assez justes, relativement à lui-même, il se croyait dans un quartier de Rouen : il y avait donc chez lui absence de conscience du lieu où il était et des personnes qui l’entouraient. Il ne s’était pas aperçu de son voyage et ne savait, ni où il était ni comment il y était venu. Il se plaignait à chaque instant de voir, devant ses yeux ou par terre, des insectes, des reptiles, et une foule de